Le Sénat ivoirien procède ce jeudi 12 avril 2018 à l’ouverture de sa première session dans la capitale politique, Yamoussoukro. Une institution dont la mise en place s’effectue dans une grande méprise juridique.
Allons seulement ! Cette locution typiquement ivoirienne a le mérite de traduire la mise en place et le fonctionnement du Sénat ivoirien. Si l’article 85 de la Constitution du 8 novembre 2016 dispose que l’exercice du pouvoir législatif relève du Parlement composé de l’Assemblée nationale et du Sénat, l’article 90 mentionne une loi organique qui fixe le nombre des membres de chaque chambre, les conditions d’éligibilité et de nomination, le régime des inégibilités et incompatibilités, les modalités du scrutin. Seulement l’ordonnance du 14 février 2018 qui fait office de loi organique ne souligne nullement dans ses 32 articles des précisions supplémentaires sur les conditions d’éligibilité, le mode de scrutin, la qualité d’électeur etc. Dans le flou artistique, le Sénat ivoirien a procédé, à la surprise générale, à l’élection de son président, vendredi 6 avril dernier, alors que le tiers de cette institution n’a pas encore été nommée par le chef de l’Etat.
Des sénateurs de second rang
De cette élection du président du Sénat en l’absence d’un tiers des sénateurs non encore nommés par le Président de la République, se laisse échapper plusieurs déductions. D’emblée, les sénateurs élus et les sénateurs nommés semblent ne pas avoir le même statut, les mêmes attributions encore moins les mêmes droits. Une discrimination de fait et non constitutionnelle. Il n’est nullement injustifié d’affirmer que les futurs sénateurs nommés sont des sénateurs de second rang qui ne se reconnaitront pas leur président Ahoussou Jeannot. N’étant pas des élus locaux, ils ne seront point redevables au peuple ivoirien mais au Président Ouattara.
La diaspora représentée par des sénateurs nommés
De même, ces sénateurs de circonstance ne seront point représentatifs des Ivoiriens établis hors de la Côte d’Ivoire comme le dispose l’article 87 de la Constitution. Car la diaspora a été exclue du collège électoral. Il s’en suivra à coup sûr la nomination des sofas du régime Ouattara à l’étranger en qualité de sénateurs. Nul doute que ces sénateurs de seconde zone n’auront nullement la légitimité auprès de cette diaspora cosmopolite. En d’autres termes, la diaspora n’acceptera pas d’être représentée par des proches du régime Ouattara qu’elle n’a pas élus.
Sénateur titulaire et sénateur suppléant
Le choix de deux sénateurs par région pourrait régler la question de la vacance. A titre d’exemple, les suppléants des députés constituent des substituts en cas de nomination à d’autres fonctions ou de décès… Il n’empêche que la carrure de chacun des deux sénateurs de la région crée forcement une différence dans l’imagerie populaire. A savoir, un sénateur qui jouit du respect et de la reconnaissance totale des populations et fait office de sénateur titulaire et l’autre considéré à tord ou à raison comme sénateur suppléant.
Cyrille NAHIN