Uber abandonne en Côte d’Ivoire, six ans après s’être implanté dans le pays. La rumeur concernant le retrait de la plateforme de voiture de transport avec chauffeur (VTC) a d’abord circulé entre utilisateurs et chauffeurs, lesquels ont chacun reçu des messages et des notifications le 25 septembre au sujet de la cessation des activités d’Uber terre d’Éburnie, où elle n’était disponible qu’à Abidjan.
Contactée par Jeune Afrique, la société confirme cette annonce ainsi que des sources sur place à Abidjan. Après vérification par nos soins, aucun chauffeur n’était de fait disponible à la réservation sur l’application ce 30 septembre. À ces derniers, qui utilisaient son service à Abidjan, Uber a décidé de verser une compensation « de bonne volonté ». Son montant n’est pas communiqué.
Dernier marché d’Afrique francophone
« C’est une décision qui a été dure à prendre, mais qui est en cohérence avec la stratégie globale d’Uber qui consiste à se concentrer sur les marchés clés où nous identifions une opportunité de croissance à longs termes », explique à Jeune Afrique, une porte-parole de la plateforme de VTC qui affirme que le groupe « reste pleinement engagé dans la région ». La Côte d’Ivoire était toutefois son dernier marché francophone d’activité en Afrique. En 2019, en effet, Uber avait choisi de quitter le Maroc à cause d’un environnement réglementaire jugé complexe avant d’y revenir la même année via le rachat de Careem.
Valorisée 208 milliards de dollars et forte d’un chiffre d’affaires de près de 44 milliards de dollars pour un résultat net de 6,4 milliards de dollars (en croissance de 60 %), Uber ne communique pas sur les raisons de ce départ.
Ils n’ont jamais vraiment essayé de percer ou de se différencier face à Yango, donc c’est dur de dire qu’ils n’ont pas réussi.
Un protagoniste du secteur
En janvier dernier, le service avait pourtant été choisi aux côtés de ses rivaux Yango et Heetch comme l’une des trois plateformes autorisées par les autorités à exercer dans le pays. De son côté, le russe inDrive, qui avait largement communiqué son arrivée auprès du grand public, indique qu’il est en train de travailler à sa mise en conformité avec la réglementation.
La plateforme cotée au New York Stock Exchange (NYSE) a donc décidé de se passer de ce marché très concurrentiel. Yango l’occupe depuis 2018, et s’est récemment lancé dans trois villes supplémentaires (Bouaké, Yamoussoukro et San Pedro). Heetch est actif depuis 2019 et diversifie ses activités avec sa filiale Fleetch dédiée à location de taxis à des chauffeurs. Dernier service à être arrivée sur le marché en 2024, inDrive, se distingue pour sa part avec un modèle dans lequel l’utilisateur fixe lui-même un prix que le chauffeur est libre ou non d’accepter.
Uber, victime du dumping
« Vu la taille d’Uber dans le monde, l’Afrique francophone n’a pas un énorme impact pour eux, d’autant plus qu’en Côte d’Ivoire, Yango est le gros acteur, observe un protagoniste du secteur. Ils n’ont jamais vraiment essayé de percer ou de se différencier face à Yango, donc c’est dur de dire qu’ils n’ont pas réussi », résume cette même source.
De son côté, un ancien acteur du secteur estime qu’Uber, qui pariait sur une clientèle premium a sous-estimé les capacités financières de Yango, qui a eu recours à des campagnes de marketing agressives ainsi qu’à la pratique de la subvention (dumping). « Pendant un moment, Yango dépensait entre 2 et 3 millions de dollars par mois pour faire baisser ses prix, explique nos interlocuteurs. Les taxis étaient attirés sur la plateforme par une somme offerte par Yango à chaque course et les clients par des tarifs moins chers qu’ailleurs ».
Un point de vue qui n’est pas partagé par un ex-cadre d’Uber dans le pays : « Uber n’a rien sous-estimé, son produit et sa stratégie ne sont pas adaptés aux usages et aux conditions de marchés de l’Afrique francophone. Il a refusé une transformation de ce modèle », explique-t-il en prenant l’exemple sur le modèle post-payé qu’elle estime incompatible avec les usages sur le terrain.
Contacté, Yango n’a pas donné suite tout comme l’Association des Entrepreneurs VTC de Côte d’Ivoire (Assen-VTC) qui représente les chauffeurs. De son côté, Heetch indique ne pas avoir de « commentaire particulier » à formuler. En Afrique, Uber qui ne divulgue pas le nombre des chauffeurs qui utilisent sa plateforme, reste actif en Égypte, au Ghana, au Kenya, au Nigeria, en Tanzanie, en Ouganda et en Afrique du Sud, où il dessert au total 61 villes (dont 25 rien que dans ce dernier pays).