Le gouvernement ivoirien serre la vis concernant les rassemblements politiques, à huit jours de la présidentielle : les meetings et manifestations sont désormais interdits pour deux mois, sauf ceux des candidats en lice pour le scrutin. Une mesure qui concerne notamment les deux plus grands partis d’opposition.
Le climat politique est tendu dans le pays à l’approche de l’élection du 25 octobre. Début octobre, les autorités ivoiriennes avaient interdit les manifestations remettant en cause la décisions du Conseil constitutionnel, s’appuyant sur une article de la Constitution. Vendredi 17 octobre, les ministères de l’Intérieur et de la Défense ont pris un arrêté qui élargit cette interdiction à toute manifestation ou meeting « des partis ou groupements politiques », à l’exception de ceux qui sont qualifiés pour le scrutin. Les contrevenants « sont passibles de poursuites judiciaires », précisent les autorités.
Les principaux partis d’opposition en Côte d’Ivoire ainsi que des organisations de la société civile dénoncent l’interdiction et la répression de manifestations dans le pays. Le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et le Parti des peuples Africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI), dont les candidatures des leaders, respectivement Tidjane Thiam et Laurent Gbagbo, ont été rejetées par le Conseil constitutionnel, avaient appelé ces derniers jours à plusieurs manifestations pour protester contre la candidature à un quatrième mandat du président sortant, Alassane Ouattara.
Interpellations, condamnations, décès
Samedi 11 octobre, une marche de l’opposition, interdite par les autorités, avait été dispersée par les forces de l’ordre à coups de gaz lacrymogènes à Abidjan. Cette semaine, des blocages de routes ont eu lieu épisodiquement dans des localités du pays, notamment pour protester contre la candidature d’Alassane Ouattara.
Selon le procureur de la République, Oumar Braman Koné, environ 700 personnes ont été arrêtées depuis samedi dernier. Selon la police, une personne est morte dans une des manifestations à Bonoua (sud). L’opposition évoque, elle, au moins deux personnes décédées.
Jeudi, 26 personnes ont été condamnés à trois ans de prison, selon leurs avocats, notamment pour « troubles à l’ordre public » après leur participation à des manifestations interdites, ces derniers jours. La semaine prochaine, 105 autres doivent être jugées à Abidjan, a affirmé Roselyne Serikpa, l’une des avocates.
Le procureur Koné a de son côté affirmé que l’exploitation de téléphones portables de certaines personnes interpellées avait révélé « des déclarations graves » appelant à saccager commerces, commissariats ou encore préfectures, assimilables selon lui à des « actes de terrorisme ».
« Dans l’intérêt de la sécurité nationale »
Vendredi 17 octobre, dans un communiqué, le ministre de la Justice, Sansan Kambilé, a précisé que l’exercice du droit de manifester peut « faire l’objet de restrictions (…) dans l’intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique, de l’ordre public », notamment.
« Dire non au quatrième mandat n’est pas un délit. Nous n’appelons pas la guerre, nous voulons la démocratie. Ne vous laissez pas intimider », a déclaré Habiba Touré, la porte-parole du Front Commun dans une vidéo vendredi. Samedi, l’organisation Tournons la Page a estimé que les interdictions de manifester « sont des violations flagrantes du droit à la liberté de réunion pacifique ». L’ONG « condamne l’oppression policière contre les manifestations pacifiques » et « invite le gouvernement à renouer avec le dialogue politique ».
Source: Jeune Afrique