Proposé comme candidat de l’Union des soroïstes (UDS) à la présidentielle de 2020, Guillaume Soro préfère jouer la carte du suspense. Une stratégie bien élaborée qui vise à sonder l’état de l’opinion publique.
Le 18 août, la salle de la bourse du travail de Treichville (Abidjan), qui abrite les travaux du premier conseil politique de l’Union des soroïstes (UDS, mouvement politique), a vibré aux sons des hymnes à la gloire de Guillaume Soro, président de l’Assemblée nationale et vice-président du Rassemblement des républicains (RDR, parti présidentiel). Les organisateurs, pour la plupart des anciens acteurs civils ou sympathisants de l’ex-rébellion des Forces nouvelles, avaient tout préparé pour que la rencontre soit une occasion de célébrer leur champion.
L’euphorie fut totale lorsque Marc Ouattara, président du mouvement de soutien à l’ex-patron de la rébellion, a annoncé que celui-ci avait été choisi à l’unanimité par les militants pour être leur candidat à la présidentielle de 2020.
Sonder l’opinion
Une décision mûrement réfléchie ; les stratèges de l’entourage de Guillaume Soro ayant tout calculé avant de la valider. Y compris le silence de ce dernier sur cette proposition. Trois jours après l’annonce, le concerné, qui est actuellement en vacances en Europe et tweete généralement de manière modérée, n’a toujours pas donné suite à cette requête.
Ce silence a pourtant une explication : elle relève de la position publique de l’élu de Ferkessédougou (Nord). En effet, interrogé il y a un mois par des médias sur l’éventualité d’une candidature à la présidentielle de 2020, Soro avait répondu : « Je pense que je vais y réfléchir, mais je n’imagine pas engager cette réflexion sans en parler d’abord et principalement avec le président (Alassane) Ouattara et ensuite (avec Henri Konan) Bédié », président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI).
Une annonce prématurée ?
Manifestement, l’ancien Premier ministre de Laurent Gbagbo, puis d’Alassane Ouattara, continue de sonder l’opinion. L’annonce de sa désignation comme candidat de son mouvement a été diversement accueillie. Si ses partisans s’en réjouissent, certains de ses détracteurs – notamment ceux du RDR – bouillonnent de colère.
Sans le dire publiquement, des responsables reprochent une annonce prématurée et inopportune. « Habituellement, ce genre de question est traité par une convention du parti », précise un membre de la direction du parti. Dans des forums du parti présidentiel sur les réseaux sociaux, certains militants exigent la clarification de la position du concerné, quand d’autres réclament sa démission, pour trahison.
« Il reste vingt-cinq mois pour impulser un changement qualificatif dans ce pays », estime Moussa Touré, porte-parole et chef du service communication de Guillaume Soro, parrain de l’UDS. Il n’est en effet pas exclu que d’autres mouvements politiques proches de Guillaume Soro, ou des personnes physiques ou morales réputées, sollicitent publiquement sa candidature dans les prochaines semaines et que pour sa part, il continue de garder le silence.
L’objectif des partisans de Guillaume Soro – et sans doute le sien -, est simple : montrer aux yeux de l’opinion nationale et internationale qu’un large consensus se dégage progressivement autour de sa candidature, alors que les poids lourds de la politique n’ont pas encore annoncé publiquement leur propre candidature.
En définitive, le procédé a le mérite de mettre la pression sur le président Alassane Ouattara, qui ne cache pas sa préférence pour son Premier ministre Amadou Gon Coulibaly, grand rival de Guillaume Soro.