Les Mauritaniens votaient samedi pour des élections législatives, régionales et locales, marquées par des problèmes d’organisation, qui constituent un test pour le régime du président Mohamed Ould Abdel Aziz, à moins d’un an de la présidentielle de la mi-2019.
Les centres de vote ont ouvert comme prévu à 07H00 (GMT et locale) mais certains électeurs étaient déroutés par un changement de dernière minute de l’emplacement de leur bureau, a constaté un journaliste de l’AFP dans le centre de la capitale.
Après avoir voté dans son bureau habituel à Nouakchott, le président Aziz s’est félicité du « caractère apaisé et tout à fait démocratique » de la campagne, marquée pourtant par des invectives entre majorité et opposition.
« Il y a des électeurs égarés qui ne savent pas où voter » a déploré un leader de l’opposition, Mohamed Ould Moloud, en évoquant des « difficultés organisationnelles importantes qui compliquent le vote » et des « signes sérieux de possibilités de fraudes ».
Les bureaux doivent rester ouverts jusqu’à 19H00 à travers ce vaste pays aride d’Afrique de l’Ouest, engagé aux côtés de ses alliés régionaux et de la communauté internationale dans la lutte contre le jihadisme au Sahel. Les premiers résultats sont attendus en début de semaine prochaine.
Contrairement aux précédentes législatives de 2013, l’opposition a cette fois décidé d’y participer, y compris dans ses composantes dites « radicales », ce qui porte au nombre record de 98 les partis politiques en lice à ce premier tour. En cas de second tour, celui-ci se tiendra le 15 septembre.
Sénateur frondeur
À Tevregh Zeina, un quartier résidentiel de Nouakchott, les premiers électeurs étaient peu nombreux en début de matinée.
« J’ai voté pour des personnes que je soutiens, dont certains de la majorité et d’autres de l’opposition », a expliqué à l’AFP Fatimatou, une jeune électrice, après avoir « un peu peiné » et mis « huit minutes » pour déposer ses bulletins dans les cinq urnes réservées aux différents niveaux de pouvoir concernés.
Alors qu’opposants et ONG dénoncent régulièrement des atteintes aux droits de l’homme, l’opposant Mohamed Ould Ghadda, inculpé pour « corruption », a fait l’objet vendredi d’une mesure de remise en liberté après plus d’un an de détention provisoire.
Mais cet ancien sénateur, qui en 2017 avait pris la tête d’une fronde contre la suppression du Sénat voulue par M. Aziz, restait « aux mains de la police » car il refuse de signer son placement sous contrôle judiciaire, a indiqué samedi son avocat.
En fin de campagne jeudi, le chef de l’État a affirmé que le pays était « en danger » à cause d’une opposition divisée entre, selon lui, « islamistes dangereux, extrémistes racistes et des résidus d’anciens régimes ayant mis le pays à genoux ».
« Nous devons les tenir loin des affaires par un vote massif pour l’UPR », le parti présidentiel, a-t-il lancé à ses partisans. Les islamistes « n’attendent que leur échec politique pour prendre les armes », avait-il déjà déclaré mercredi.
« Bas de l’échelle »
« C’est M. Aziz qui a pris les armes contre un régime élu et assassiné la démocratie », a rétorqué un responsable du parti islamiste Tewassoul, Jemil Ould Mensour.
M. Aziz, un ancien général, est arrivé au pouvoir par un coup d’Etat en 2008, avant d’être élu en 2009 et réélu en 2014.
Ces élections constituent un test à moins d’un an de la présidentielle de mi-2019. Bien qu’il se soit engagé à maintes reprises à ne pas tenter de modifier la limitation à deux du nombre de mandats présidentiels, le chef de l’Etat n’est pas parvenu à apaiser les soupçons de l’opposition, alimentés par les déclarations publiques de ses ministres et de ses partisans.
Pour convaincre, l’UPR, large vainqueur des législatives de 2013 boycottées par la quasi-totalité de l’opposition radicale, met en avant la révision de la Constitution de 2017 qui a aboli le Sénat et donné au pays un nouvel hymne et un nouveau drapeau évoquant le « sacrifice des martyrs » de la résistance à la colonisation française, qui s’est achevée en 1960.
Sur le plan économique, le pouvoir insiste sur une croissance retrouvée et sur un indice de pauvreté ramené à 31%, contre plus de 40% en 2008″, dans un pays d’un peu moins de quatre millions d’habitants dont le taux d’alphabétisation reste faible.
L’opposition quant à elle dénonce une forte baisse du pouvoir d’achat et des indices de développement classant la Mauritanie « au bas de l’échelle à tous les niveaux ».