PRONOSTICS. Le Ghana, le Nigeria, Madagascar, le Maroc ou l’Érythrée prendront place aux JO organisés dans la capitale chinoise. Tour d’horizon de leurs représentants.
lors que pointe au Cameroun le dénouement de la plus grande fête du football africain, rendez-vous dès le 4 février à l’autre bout de la planète, à Pékin, pour supporter d’autres athlètes du continent. Jusqu’au 20 février 2022, la capitale chinoise accueille les Jeux olympiques (JO) d’hiver, mais c’est à 75 kilomètres au nord-ouest de la ville, à Yanqing, que se réuniront les participants aux épreuves de ski alpin. Les athlètes de ski de fond, eux, sont attendus plus loin, à Zhangjiakou, à 230 kilomètres de Pékin.
Parmi eux, six porteront les couleurs de pays africains, plus de soixante ans après la première participation africaine aux JO d’hiver. Cette année-là, à Squaw Valley aux États-Unis, l’Afrique du Sud envoie une équipe uniquement composée d’athlètes blancs. Il faudra attendre 1984 et le skieur alpin sénégalais Lamine-Guèye pour voir un Africain noir y prendre part, à Sarajevo.
Cette année, à Pékin, Shannon-Ogbnai Abeda, Mialitiana Clerc ou encore Carlos Mäder prennent la relève. Si tous sont installés et s’entraînent en dehors du continent, les skieurs ont fait un choix : celui de représenter et de porter le drapeau de leur pays de naissance, ou de celui de leurs parents. Gage de responsabilités, mais aussi de fierté pour l’athlète, comme pour leur nation.
Mialitiana Clerc, skieuse en alpin pour Madagascar…
Mialitiana Clerc est la première skieuse malgache à participer aux Jeux olympiques d’hiver. Mais, pour la jeune femme, Pékin n’est pas une première. La skieuse a déjà pris part aux JO sud-coréens, en 2018, alors âgée de 16 ans seulement. Elle avait terminé 47e du slalom, et 48e du slalom géant, sur 80 partants. Mialitiana Clerc n’avait pourtant découvert le ski que quelques années plus tôt, en Haute-Savoie. C’est là qu’elle a grandi, entourée de sa famille adoptive. Née à Ambohitrimanjaka, près de la capitale Antananarivo, la skieuse a été adoptée lorsqu’elle avait un an, mais a toujours gardé le contact avec sa famille biologique. Les années passant, elle se passionne de plus en plus pour le ski, et supporte mieux le froid. Elle enchaîne les compétitions, jusqu’à décrocher sa sélection pour Pyeongchang.
Cette année, Mialitiana Clerc est plus confiante et a gagné en expérience. Elle a en effet participé à plusieurs compétitions de haut niveau, dont les Championnats du monde et des épreuves de Coupe du monde. « Aujourd’hui, je me sens moins stressée par les courses, je sais comment réagir », assure-t-elle au site Olympics. Il y a un an, son rêve olympique a pourtant vacillé : la skieuse fait une chute et se fracture le tibia. Mais six mois et demi après l’opération, elle reprend les entraînements. Et finit par décrocher son ticket pour Pékin. « J’essaie de prendre du plaisir, d’être fièrede moi et d’obtenir les meilleurs résultats, affirme-t-elle. Je me sens chanceuse parce que, oui, il n’y a pas beaucoup de femmes africaines dans le monde du ski. »
… avec Mathieu Neumuller
Deuxième représentant de la Grande Île, Mathieu Neumuller prend la suite de Mathieu Razanakolona, tout premier athlète malgache aux JO d’hiver à Turin en 2006. Né à Mont-de-Marsan, Mathieu Neumuller commence le ski à l’âge de trois ans. C’est au Club des 2 Alpes qu’il gravit les échelons de la compétition, jusqu’à la Coupe du monde. À 18 ans, le jeune skieur alpin espère à Pékin un « bon classement, parmi les meilleurs ». « Ce qui serait exceptionnel, ce serait de finir dans le top 30 », indique-t-il à Olympics.
Shannon-Ogbnai Abeda, skieur alpin pour l’Érythrée
Shannon-Ogbnai Abeda a la double nationalité canado-érythréenne. Si le jeune homme de 25 ans est né sur les terres canadiennes d’Alberta, son père et sa mère y sont arrivés en tant que réfugiés dans les années 1990, pour fuir la guerre d’indépendance. Tout petit, c’est d’abord vers le hockey sur glace que le garçon se tourne. Mais ses parents, par crainte des blessures et des chocs, refusent. Ils acceptent en revanche de l’inscrire à des leçons de ski alpin. Les compétitions démarrent vers l’âge de 10 ans, en même temps que son ascension dans l’univers du sport de haut niveau. Jusqu’aux Jeux olympiques de Pyeongchang en 2018. Il devient par la même occasion le premier athlète érythréen de l’histoire à participer à des Jeux d’hiver. En Corée du Sud, Shannon-Ogbnai Abeda avait terminé 61e de l’épreuve de slalom géant. « J’ai été trop absorbé par la compétition et j’ai oublié de m’amuser », avoue-t-il.
Après ses premiers Jeux, le skieur a pris du temps pour lui et pour se remettre des différentes blessures contractées durant plusieurs années, et jamais soignées. Il subit au total dix interventions chirurgicales, au genou et à l’aine notamment. Shannon-Ogbnai Abeda se concentre également sur ses études en informatique et en administration des affaires à l’université de Lethbridge. En 2019, il annonce sa retraite sportive, avant d’envisager une reconversion dans le bobsleigh. Pour finalement revenir au ski : en septembre 2021, le sportif annonce son retour. Trois mois plus tard, il obtient officiellement sa qualification pour Pékin. Avec sa participation aux Jeux olympiques d’hiver, il espère « partager davantage [son] histoire et utiliser [sa] voix pour inspirer une future génération d’olympiens d’hiver d’Érythrée et de la diaspora ».
Carlos Mäder, skieur alpin pour le Ghana
En ski alpin, Shannon-Ogbnai Abeda sera confronté à un autre athlète du continent, Carlos Mäder, engagé dans le slalom géant. Il est le deuxième représentant du Ghana en ski après le « léopard des neiges » Kwame Nkrumah-Acheampong, qui avait participé aux JO de Vancouver en 2010. Né à Cape Coast en 1978, Carlos Mäder découvre le ski à l’âge de trois ans, après son adoption par un couple suisse. « Ma mère au Ghana était seule et ne pouvait pas me nourrir », explique-t-il sur son site Internet. Installé à Lucerne, le skieur n’en oublie pas pour autant ses racines africaines. « J’ai grandi au cœur de la Suisse, mais grâce à mes parents adoptifs, qui ont maintenu le contact avec ma mère, je suis resté proche de la culture ghanéenne toute ma vie. Je voyage autant que possible à Cape Coast pour rendre visite à toute la famille. »
Son rêve olympique débute en 2017, mais Carlos Mäder ne parvient pas à se qualifier pour Pyeongchang. Il concentre alors tous ses efforts pour Pékin, même si les blessures et la pandémie rendent les entraînements difficiles. En janvier 2022, il obtient finalement sa qualification. Son objectif, en Chine, au-delà de la performance : « donner l’exemple et montrer aux jeunes de Suisse et du Ghana qu’avec de la volonté et les efforts nécessaires, on peut tout réussir ». Le skieur ghanéen reverse par ailleurs 10 % des revenus versés par ses sponsors à l’association Hope for Ghana, qui construit des écoles et des bibliothèques dans le pays.
Samuel Ikpefan, skieur de fond pour le Nigeria
En 2018, le Nigeria avait fait sensation en skeleton et en bobsleigh. Cette année, c’est Samuel Ikpefan qui aura l’honneur de représenter le pays, dans les épreuves de ski de fond. Une première pour le Nigeria, comme pour l’athlète. Né à Annemasse en France en 1991, le skieur a pourtant failli arrêter sa carrière en 2011, lorsque les portes de l’équipe de France se sont fermées devant lui. Et puis, en 2018, l’opportunité de concourir pour le Nigeria, le pays de naissance de son père, s’est présentée. Samuel Ikpefan l’a saisie. Au départ, un choix de raison, revêtir les couleurs blanches et vertes l’a finalement rapproché du Nigeria, même si, « avec la nourriture et la musique », il a « toujours baigné dans cette culture », confie-t-il au site Olympics.
Cette même année, le vice-président de la fédération nigériane de ski lui demande de venir dans le pays. Un voyage riche en émotions pour l’athlète qui découvre la terre natale de son père. Là-bas, il goûte aussi à une notoriété inattendue et enchaîne quelques bains de foule. Sa démonstration sur piste de rollerski au stade d’Abuja a d’ailleurs été retransmise à la télévision. Mais ce n’est qu’en janvier 2021 que l’ancien champion de France jeune de sprint goûte pour la première fois au sport de haut niveau, en participant à la Coupe du monde à Falun, en Suède. Quelques semaines plus tard, il prend le départ des Championnats du monde. Sa participation à Pékin est « une fierté » pour Samuel Ikpefan, comme pour Muhammadu Buhari. Dans un communiqué, le président nigérian lui souhaite « beaucoup de succès ».
Yassine Aouich, skieur alpin pour le Maroc
Yassine Aouich est le huitième Marocain à participer aux JO d’hiver. Le jeune homme a vu le jour en 1990 à Ifrane, une ville située dans les montagnes de l’Atlas. La région nord-marocaine détient « le record de la température la plus basse jamais observée en Afrique : – 23,9 degrés Celsius », souligne le site officiel Olympics. C’est dans cette région que Yassine Aouich commence la pratique du ski, à 9 ans.
Pour préparer Pékin, cet ancien étudiant de l’université d’Al Akhawayn a participé à plusieurs compétitions, en Bosnie-Herzégovine, en Espagne ou encore au Liechtenstein. Le skieur a également participé aux Championnats du monde 2020-2021 à Cortina d’Ampezzo et à une descente à Kolasin, au Monténégro. Mais il a aussi effectué quelques entraînements « à la maison ». « Il y a parfois de la neige dans les montagnes du Maroc ! », a-t-il indiqué dans une interview à la radio autrichienne ORF Vorarlberg.