Le « Tigre » ne rugit plus. Soumeylou Boubèye Maïga est décédé, ce lundi 21 mars, à la clinique Pasteur de Bamako où il était soigné depuis décembre.
Inculpé dans l’affaire dite de l’avion présidentiel, l’ancien Premier ministre d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), de 2017 à 2019, avait été placé sous mandat de dépôt en août 2021. Il était notamment accusé de corruption et de détournement de fonds publics. Depuis son incarcération à la Maison centrale d’arrêt de Bamako, son état de santé s’était nettement dégradé.
Le 16 décembre, à la demande de ses proches, il avait été hospitalisé à la clinique Pasteur de Bamako. De plus en en plus affaibli, il avait perdu une vingtaine de kilos. Ses demandes de remise en liberté conditionnelle ayant toutes été rejetées, son entourage n’avait cessé de réclamer son évacuation pour qu’il puisse être soigné à l’étranger.
Des requêtes toutes refusées par les autorités de transition – et ce, en dépit de l’intervention de plusieurs chefs d’État de la région, comme le Ghanéen Nana Akufo-Addo, le Sénégalais Macky Sall, ou le Burkinabè Roch Marc Christian Kaboré lorsqu’il était encore au pouvoir. Même l’implication de Chérif Ousmane Madani Haïdara, président du Haut Conseil islamique malien (HCIM) et figure respectée dans le pays, n’y avait rien fait.
Pronostic vital engagé
Le 2 mars, Maïga Binta Yatassaye, l’épouse de l’ex-Premier ministre, avait écrit une lettre ouverte au colonel Assimi Goïta, le président de la transition, pour lui demander d’intercéder en faveur de son mari. Elle y indiquait que le « pronostic vital [de celui-ci était] engagé » et que les médecins préconisaient une « évacuation d’urgence » depuis la mi-décembre, rappelant par ailleurs qu’il était en détention préventive et non condamné. « Veut-on la mort par abandon et négligence programmée de Soumeylou Boubèye Maïga ? » concluait-elle, en s’indignant de l’absence de réponse des autorités aux multiples requêtes de la famille.
Au fil des décennies, cette figure de la vie politique malienne s’était constitué un important réseau, allant de ses ex-camarades militants de gauche à de nombreux chefs d’État africains en passant par plusieurs dirigeants français et européens. Sa disparition, après des mois de lutte contre la maladie en détention, a suscité de nombreuses réactions, tant au Mali qu’en Afrique de l’Ouest.
Ancien journaliste, Soumeylou Boubèye Maïga s’était engagé contre la dictature de Moussa Traoré, renversé en 1991. Il avait aussi participé à la fondation de ce qui fut longtemps le premier parti du pays, l’Alliance pour la démocratie au Mali-Parti africain pour la solidarité et la justice (Adema-PASJ).
Proche d’Alpha Oumar Konaré, qui avait fait de lui le patron de la puissante Sécurité d’État, le natif de Gao avait ensuite rompu avec cette formation pour se présenter à l’élection présidentielle de 2007 – à laquelle il n’avait obtenu que 1,5 % des voix.
Ambitions présidentielles
Alors qu’il avait été nommé ministre des Affaires étrangères par Amadou Toumani Touré en 2011, c’est vraiment avec l’arrivée au pouvoir d’IBK, en 2013, que le Tigre avait gagné en influence et en visibilité. Après la débâcle de l’armée malienne à Kidal en 2014, il avait été contraint de démissionner de son poste de ministre de la Défense. Il était pourtant revenu au sommet de l’État deux ans plus tard, en tant que secrétaire général de la présidence. En 2017, IBK l’avait nommé Premier ministre. Il restera à la tête du gouvernement jusqu’en 2019, après le massacre d’Ogossagou.
Président de l’Alliance pour la solidarité au Mali-Convergence des forces patriotiques (Asma-CFP), qu’il avait créée en 2013, Soumeylou Boubèye Maïga ne cachait pas ses ambitions présidentielles et comptait se présenter aux prochaines élections.
Source : Jeune Afrique