Semaine après semaine, la violence gagne du terrain dans les rues de l’ancienne colonie britannique et donne lieu à de vives campagnes de propagande de part et d’autre
Les faits – L’aéroport de Hong Kong a annoncé, lundi, l’annulation de tous les vols au départ et à l’arrivée en raison de l’occupation de son principal terminal. Ce n’est pas la première fois que les opposants à la loi d’extradition envahissent l’aéroport et accueillent les passagers avec des messages les alertant sur la situation locale. Mais la décision des autorités aéroportuaires est inédite et devrait ajouter de l’eau au moulin de ceux qui veulent en finir avec les manifestations.
Pour le 10e week-end consécutif, les rues de Hong Kong ont été envahies par des milliers de manifestants. Une nouvelle fois, la police est intervenue, donnant lieu à de violents accrochages et à l’usage répété de gaz lacrymogènes. Changeant de tactique, les policiers antiémeutes ont procédé à des charges et sont intervenus dans plusieurs stations de métro. Progressivement les manifestations prennent un tour de plus en plus dur et les images diffusées via les réseaux sociaux deviennent des arguments sur lesquels chacun des deux camps s’appuie pour défendre ses positions. De part et d’autre, on sent une rage qui s’exprime dans la violence et creuse le fossé entre une partie de la population mobilisée depuis plus de deux mois contre la loi d’extradition désormais suspendue et le pouvoir peu enclin à éteindre l’incendie.
Il se joue en ce moment une guerre de propagande qui dépasse le cadre hongkongais pour devenir mondiale. Dès le début des manifestations en juin, les opposants à la loi d’extraditionont acheté des pages dans des journaux étrangers, comme Le Parisien en France, pour expliquer les raisons de leur mobilisation. Après tout, les autorités chinoises investissent beaucoup d’argent dans la promotion de leurs politiques dans des médias à travers le monde. On a aussi vu certaines universités fréquentées par des étudiants originaires de différentes parties du monde chinois devenir le théâtre de tensions entre partisans de l’ordre et défenseurs des manifestants. Au Canada ou encore en Australie, plusieurs incidents ont été recensés ces dernières semaines. A l’université du Queensland ou celle d’Auckland en Nouvelle-Zélande, des mesures de renforcement de la sécurité ont été prises pour empêcher que cela dégénère en affrontements.
Main ferme. Au cours du week-end, des photos et des vidéos montrant des interventions brutales de la police hongkongaise ont été publiées sur Facebook ou Twitter, renforçant le sentiment chez les protestataires que les forces de l’ordre ont désormais et avant tout pour mission de « casser » du manifestant. Cela rappelle la guerre des images que nous avons connues en France au cours des derniers mois lors des rassemblements de Gilets jaunes. De son côté, les médias chinois ont diffusé les images d’un policier en feu après le jet d’un cocktail molotov. A Pékin, on évoque, lundi matin, des « signes de terrorisme » chez les « émeutiers », tandis que certains représentants du gouvernement à Hong Kong ont parlé d’« actes de terrorisme ». L’usage d’un tel vocabulaire est de nature à justifier une reprise en main ferme de la situation dans l’ancienne colonie britannique après les menaces à peine voilées lancées ces dernières semaines.
Les autorités chinoises qui ont jusqu’à présent laissé l’exécutif local gérer la situation manifestent de plus en plus ouvertement leur agacement et mettent en cause l’ingérence de forces extérieures. La semaine dernière, elles ont publié des photos concernant la rencontre entre Joshua Wong, l’un des leaders pro démocratie hongkongais, et une diplomate américaine. Dans le même temps, les militants anti loi d’extradition montrent comment Pékin mobilise la mafia locale pour mener des opérations coups de poing contre eux. L’absence de dialogue et cette guerre des images contribuent à la radicalisation de la situation, donnant ainsi à chacun des arguments pour aller à chaque fois un peu plus loin. Malheureusement, l’arbitre de la situation s’appelle la Chine et il est loin d’être impartial.