Sont-ils partis grossir les rangs des Volontaires pour la défense de la Patrie (VDP, supplétifs civils des forces de défense et de sécurité du Burkina Faso) par appât du gain ? Ont-ils déserté pour une nouvelle vie de civils loin de l’armée et de ses règles strictes ?
Dans la nuit du 10 au 11 mars, trois jeunes militaires ivoiriens, deux adjudants et un caporal appartenant au Groupement tactique interarmes (GTIA), en poste à Bouna, chef-lieu de la région de Bounkani (nord-est), se sont volatilisés. Vers 4 heures du matin, plongés dans l’obscurité, ils ont revêtu leurs habits de civils, démonté leurs armes et sont partis sur deux motos appartenant à leur caserne.
Provocations
Prévenus par des gendarmes ivoiriens postés à un check-point qu’ils s’apprêtaient à entrer en territoire burkinabè, les soldats ont rétorqué être des agents des renseignements. Depuis, plus de nouvelles. Les autorités burkinabè, contactées par leurs homologues ivoiriens, assurent ne pas avoir connaissance de l’entrée dans le pays de ces trois jeunes soldats.
Dans une zone où pullulent des VDP, la piste de leur enrôlement à ces supplétifs de l’armée est l’une de celles avancées par Abidjan. Un ralliement qui pourrait être motivé par « l’appât du gain », avance une source sécuritaire ivoirienne. Les désertions restent rarissimes, mais, s’il est avéré que les soldats ont rejoint les VDP, cela serait une première.
Franchissement intempestif de frontière, installations dans les campements ivoiriens, vols de bétails… Accusés d’exactions dans leur pays, ces VDP multiplient les provocations à la frontière poreuse entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire. Plusieurs tentatives de délimitation de cette frontière ont échoué ces dernières années. En février, la Commission mixte paritaire travaillant sur ce sujet s’est une nouvelle fois réunie à Bobo-Dioulasso sans parvenir à un accord entre les deux pays.
Plusieurs militaires ivoiriens ont d’ailleurs été arrêtés et détenus au Burkina Faso pour être entrés par mégarde dans le pays. Après plus d’un an de captivité, deux gendarmes arrêtés le 19 septembre 2023 dans le village de Kwame Yar, en territoire burkinabè, alors qu’ils étaient à la poursuite d’orpailleurs clandestins, avaient finalement été libérés et « remis à la Côte d’Ivoire ».
Dans la foulée, un militaire burkinabè et un VDP arrêtés par l’armée ivoirienne un mois plus tôt au niveau de Dantou, dans le département de Téhini, dans le nord-est de la Côte d’Ivoire, avaient eux aussi été relâchés.
Relations conflictuelles avec Ibrahim Traoré
Le long de cette frontière, les autorités ivoiriennes redoublent de vigilance pour contenir la menace terroriste. En juin 2020, une première attaque menée par une quarantaine d’assaillants contre un poste mixte composé de soldats, de douaniers et de gendarmes avait coûté la vie à 14 militaires dans le village ivoirien de Kafolo. En mars 2021, un second attentat contre une position de l’armée ivoirienne avait causé la mort de cinq personnes, dont deux militaires, dans ce même village.
Les pays entretiennent des relations conflictuelles depuis l’arrivée au pouvoir d’Ibrahim Traoré. Allié des juntes au pouvoir au Mali et au Niger au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES), ce dernier a déjà accusé à plusieurs reprises son voisin de « tentatives de déstabilisation ». Une accusation répétée, mais jamais étayée.
De son côté, la Côte d’Ivoire a interpellé en 2022, dans le pays, une quinzaine d’hommes appartenant à un réseau composé d’une cinquantaine de jeunes recrutés par des proches de Guillaume Soro pour mener des opérations de déstabilisation depuis le Burkina Faso, selon une source sécuritaire.
La Côte d’Ivoire a construit deux sites de transit, dans les départements de Ouangolodougou, non loin de Ferkessédougou et de Bouna, destinés à accueillir provisoirement des dizaines de milliers de réfugiés fuyant les violences au Burkina Faso.