Il y a des fautes qui ne s’excusent pas. Et celle commise par Abidjan.net, à la veille du scrutin présidentiel, restera dans les annales du journalisme ivoirien. Car ce que « le plus grand portail d’informations du pays » a publié, ce n’était pas une simple erreur technique ; c’était une indiscrétion fatale.
En effet, dans la soirée du vendredi, alors que le pays s’apprêtait à entrer dans le silence électoral, le site a mis en ligne des “résultats provisoires” d’une élection… qui ne s’était pas encore tenue. Des chiffres, des pourcentages, des candidats, tout y était, comme si le vote avait déjà eu lieu, comme si le peuple n’était plus qu’un figurant dans un scénario écrit d’avance. Et voilà que la technique, cette complice silencieuse, a levé le voile sur la supercherie. À la grande surprise de ceux qui pensaient garder le secret jusqu’à “l’après le scrutin”, le système a parlé trop tôt. L’article s’est publié tout seul, ou presque, laissant apparaître ce que beaucoup redoutaient : le script d’une victoire programmée avant l’heure.
Le drame, c’est que tout cela aurait dû paraître après le vote, une fois le spectacle démocratique terminé, quand les acteurs fatigués quittent la scène et que les chiffres officiels tombent. Mais non. Cette fois, le rideau s’est levé trop tôt. Et dans les coulisses, on a vu les ficelles, les mains et les intentions. Ce n’est donc pas une “erreur de manipulation” comme certains voudraient le faire croire. C’est une faute morale et politique, une trahison du devoir de neutralité. C’est surtout un aveu involontaire : celui d’un média devenu, volontairement ou non, le relais des puissants, au lieu d’être le miroir fidèle du réel.
Dans une démocratie fragile, publier des résultats imaginaires avant le vote, c’est influer sur les consciences, orienter la peur ou la résignation, fabriquer le consentement avant le verdict populaire. Et cela, aucun citoyen sincère, aucun journaliste digne, aucun régulateur sérieux ne devrait l’accepter. L’autorité nationale de la Presse (ANP) doit s’en saisir, car ce n’est pas seulement Abidjan.net qui est concerné, c’est la crédibilité du processus électoral tout entier. Le peuple, lui, doit comprendre qu’il reste le seul arbitre légitime, et qu’aucun site, aussi populaire soit-il, ne peut voter à sa place.
Ce soir-là, la machine d’Abidjan.net a parlé avant les urnes. Et dans son bug, elle a révélé la vérité que beaucoup pressentaient : dans cette élection, certains voulaient que tout soit déjà joué. Heureusement, la technique, elle, n’a pas de loyauté politique. Elle a simplement livré, trop tôt, le secret de ceux qui croyaient tout contrôler.
Source : Hermann Aboa






















