Débarrassé de l’influence du président sortant, Pierre Nkurunziza, décédé mardi, le futur chef de l’Etat pourrait renouer avec la communauté internationale
« Un décès inattendu…» Ce sont les mots utilisés par le gouvernement burundais qui a annoncé mardi la mort — officiellement d’une crise cardiaque, mais qui pourrait être due au coronavirus — du président Pierre Nkurunziza. Ancien chef d’un groupe rebelle hutu, le défunt de 55 ans était au pouvoir depuis 2005 et la fin de la guerre civile burundaise, un conflit qui a fait 300 000 morts en douze ans dans une région marquée par des tensions ethniques.
Au fil du temps, cet évangéliste passionné de football était devenu un autocrate, violant la limite constitutionnelle de deux mandats lors de sa troisième campagne en 2015, pour perpétuer son règne. Celui qui avait promis d’avancer sur la voie de la paix a restreint les libertés publiques et mené une lutte farouche contre ses opposants politiques dont beaucoup ont pris le chemin de l’exil. Il était devenu le paria de la communauté internationale et entretenait des relations exécrables avec certains voisins, comme le Rwanda.
A la surprise générale, il avait décidé de ne pas se présenter au scrutin présidentiel d’août dernier remporté par son dauphin désigné, le général réserviste Evariste Ndayishimiye. Il devait lui transmettre le pouvoir en août prochain. Le président de l’Assemblée nationale, Pascal Nyabenda, devrait assurer l’intérim d’ici là, selon les termes de la constitution burundaise.
« Cette disparition survient dans une période de transition vers de nouvelles institutions, a confié l’ex président Pierre Buyoya, son prédécesseur. Que cette transition se passe dans le respect de l’ordre et de la loi. » Fin connaisseur du pays, le chercheur de l’Institut français des relations internationales (IFRI), Thierry Vircoulon, a estimé sur RFI que la stabilité devrait prévaloir. « Une poignée de généraux assure le cœur du système, a-t-il confié. Il y aura un nouveau président pour un ancien régime. »
Volubile et avenant en privé, le président élu n’en a pas moins un homme à poigne qui a su se faire discret pendant la répression politique
« Eminence grise ». Evariste Ndayishimiye, 52 ans, a fait ses armes comme Nkurunziza dans le maquis après des études en droit. Ce catholique s’est rapidement imposé comme un des principaux chefs de la rébellion. Sa participation à la lutte armée, puis son implication dans la négociation des accords de paix, lui confère une aura auprès des militants du CNDD-FDD, le parti au pouvoir. Devenu ministre de la Sécurité intérieure en 2006, il prendra ensuite la tête du cabinet militaire puis du cabinet politique de la présidence. En août 2016, il devint secrétaire général du CNDD-FDD.
« Eminence grise du pouvoir de Bujumbura, Evariste Ndayishimiye est connu pour avoir été toujours dans le cercle fermé des généraux, essentiellement constitué d’Alain Guillaume Bunyoni, ministre de la sécurité, et de feu Adolphe Nshimirimana, ancien patron du service des renseignements, assassiné le 2 août 2015. Un trio qui, selon les détracteurs du régime, dirigeait réellement le pays », explique le journal Jeune Afrique.
Volubile et avenant en privé, le président élu n’en a pas moins un homme à poigne qui a su se faire discret pendant la répression politique. Il n’est pas visé par les enquêtes de l’ONU. Ces trois dernières années, il a beaucoup voyagé contrairement à Nkurunziza. Il s’est notamment rendu en Tanzanie où il semble disposer du soutien du Chama Cha Mapinduzi (CCM), le parti au pouvoir et allié historique du CNDD-FDD.
Evariste Ndayishimiye promet de ramener la confiance des partenaires et d’ouvrir son pays. Les Occidentaux et les pays de la région, usés par des années de bras fer avec les autorités burundaises, ont plutôt bien accueilli son élection. Ils pourraient lui tendre la main en échange d’un assouplissement d’un système de pouvoir concentré dans les mains du CNDD-FDD. Les généraux, caciques et proches du parti contrôlent tous les pans de l’économie. Le décès de Pierre Nkurunziza permettra, en tout cas, à son successeur d’avoir les coudées franches. « Il est encore trop tôt pour savoir s’il mettra fin à la politique d’isolement du régime », estime Thierry Vircoulon.