L’attaque a eu lieu jeudi dans un village du nord du pays. Selon des témoins, une centaine de personnes en « motocyclettes et pick-up ont fait une descente » et exécuté « des dizaines d’hommes et de jeunes ».
Une soixantaine de civils d’un village du nord du Burkina Faso ont été massacrés, jeudi 20 avril, par des hommes portant la tenue de l’armée, dans ce pays pris dans la spirale de la violence depuis 2015, a annoncé dimanche le procureur de Ouahigouya (nord). Le procureur du tribunal de grande instance de Ouahigouya, Lamine Kaboré, écrit dans un communiqué transmis à l’Agence France-Presse (AFP) avoir été informé par la gendarmerie de la ville « que dans le village de Karma », situé dans la province du Yatenga, « une soixantaine de personnes auraient été tuées par des personnes arborant des tenues de nos forces armées nationales ».
« Des blessés ont été évacués et sont actuellement pris en charge au sein de nos structures de santé », a-t-il ajouté, précisant que « les auteurs de ces faits auraient emporté divers biens ». Le procureur explique que, « saisi de ces faits dont la gravité est avérée », il a « donné les instructions nécessaires (…) en vue de les élucider et d’interpeller toutes les personnes qui y sont impliquées ». Il a lancé « un appel à toutes les personnes qui disposeraient d’informations sur ces faits » à « en faire la dénonciation ».
Selon des habitants joints par l’AFP, des rescapés ont affirmé que « plus d’une centaine de personnes en motocyclettes et pick-up ont fait une descente jeudi dernier à Karma. Des dizaines d’hommes et de jeunes ont été exécutés par ces hommes vêtus de tenues militaires ». Ces survivants ont évoqué un bilan « avoisinant les quatre-vingts morts ».
Ce massacre est intervenu une semaine après la mort de dixsoldats et trente-deux volontaires pour la defense de la patrie VDP, supplétifs civils de l’armée), tués lors d’une attaque de djihadistes présumés près du village d’Aorema, à une quinzaine de kilomètres de Ouahigouya. Le village de Karma se trouve à une quarantaine de kilomètres de celui d’Aorema, proche de la frontière malienne, et attire de nombreux orpailleurs illégaux.
Une « expédition punitive » début avril
Début avril, la justice militaire du Burkina Faso avait annoncé qu’elle allait mener une enquête pour faire « toute la lumière » sur la mort de plusieurs civil lors de » graves altercations » avec des à Dori , également dans le nord du pays. Selon le préfet de la ville, Abdrahamane Mande, des militaires avaient tiré à l’arme automatique et frappé des citoyens, « occasionnant des pertes en vie humaines et des blessés au sein de la population ». Des habitants de Dori avaient précisé qu’il s’agissait d’une « expédition punitive » menée par des soldats après l’assassinat d’un militaire, ce qu’avait confirmé le Mouvement burkinabé des droits de l’homme et des peuples.
Le Burkina Faso, théâtre de deux coups d’Etat militaires en 2022, est pris depuis 2015 dans une spirale de violences djihadistes apparues au Mali et au Niger quelques années auparavant et qui s’est étendue au-delà de leurs frontières. Les violences ont fait depuis sept ans plus de 10 000 morts − civils et militaires − selon des ONG, et quelque 2 millions de déplacés.
Le président de transition du Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traoré, arrivé au pouvoir par un putsch en septembre 2022, a signé mercredi un decret de « mobilisation générale » d’une durée d’un an, permettant si besoin la réquisition des « jeunes de 18 ans et plus » pour aller lutter contre les djihadistes qui ensanglantent le pays.