Dans une salle lumineuse, style années 1970, le président Paul Biya entre à pas lents, mais sa voix est assurée. Après les propos préliminaires des deux chefs d’État, place aux questions. « Monsieur le président Paul Biya, espérez-vous briguer un nouveau mandat en 2025 ou souhaitez-vous qu’une nouvelle génération porte les couleurs de votre parti à la prochaine présidentielle ? »
Paul Biya demande alors à ce que la question lui soit répétée. « Je n’entends pas », dit-il. Après un deuxième essai, c’est finalement Emmanuel Macron debout à sa droite qui s’en fait le relais : « Monsieur le président Biya, est-ce que vous briguez un nouveau mandat en 2025 pour le compte du parti ? »
Alors, avec humour et esprit, Paul Biya répond d’une voix marquée par les années, mais ferme : « Le Cameroun est dirigé conformément à sa Constitution. Selon cette Constitution, le mandat que je mène a une durée de sept ans. Alors, essayez de faire la soustraction et vous saurez combien de temps il me reste à diriger le pays. Mais autrement, quand ce mandat arrivera à expiration, vous serez informé sur le point de savoir si je reste ou si je m’en vais au village. »
Réponse applaudie en salle de presse. Les ambitieux de tous bords, y compris dans son propre camp, devront donc prendre leur mal en patience pendant trois ans au moins, le temps légal qu’il reste à Paul Biya pour achever l’actuel mandat et donne une peu plus de clarté à l’horizon politique. Paul Biya, 89 ans, en est à son septième mandat à la tête du Cameroun.
Guerre de succession
L’opposition estime notamment que le chef de l’Etat devrait arrêter d’entretenir le mystère et préparer sa succession. « Dans son camp, il y a aujourd’hui tellement de personnes qui ont accumulé expérience et argent que l’ambition sommeille forcément en beaucoup d’entre eux, analyse Cabral Libii, président du parti PCRN. Les guerres des factions que l’on observe au Cameroun, qui ne sont plus larvées, et qui affectent malheureusement le fonctionnement des institutions, attestent de cela. »
« Cela a été un mauvais choix que de préserver le mystère, estime le député d’opposition. Je crois qu’il faut arrêter ce jeu de cache-cache qui, de toute évidence, ne porte pas de fruits et il devrait plutôt se montrer beaucoup plus précis sur la question. Nous ne voulons pas que le pays subisse les affres de guéguerres internes. Nous voulons un jeu démocratique en 2025 qui soit saint. »
La succession est féroce. Toute indication du chef de l’Etat pourrait envenimer la situation. Donc je crois que compte tenu de ce que lui a comme idée de l’affaire, il faudra encore attendre longtemps. Mon sentiment c’est que, quand on écoute son entourage, tout est mis en œuvre pour qu’il se représente en 2025, sauf si la pression à l’intérieur du pays l’amène à envisager une solution différente.
Source : RFI