Les joueurs de l’équipe de France ne sont pas encore arrivés sur la pelouse pour leur entraînement de veille de match. Mais sur le rectangle vert du stade Vélodrome, jeudi 24 mars, un fin connaisseur des équipes de France tape déjà dans le ballon. Au milieu de ses coéquipiers de la sélection ivoirienne, Sébastien Haller, passé chez les jeunes en Bleus des U16 aux Espoirs, se prépare à affronter l’équipe de France vendredi.
Pour l’attaquant de 27 ans, la symbolique est forte. Quatrième meilleur buteur de l’histoire des Espoirs (9 buts en 17 sélections), Haller va retrouver certains de ses anciens coéquipiers : Lucas Hernandez, Presnel Kimpembe, Adrien Rabiot, Kingsley Coman ou encore Mike Maignan. Un duel fratricide, auquel Haller ne s’attendait certainement pas lorsqu’il annonçait en 2019 son envie de rejoindre les grands, l’équipe A sous la houlette de Didier Deschamps.
Sébastien Haller avec Ousmane Dembélé lors du match des Bleuets face à l’Écosse, le 24 mars 2016 (JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP)
Haller se voyait en successeur d’Olivier Giroud. Il est désormais l’attaquant de très haut niveau que cherchait la Côte d’Ivoire depuis la retraite internationale de Didier Drogba en 2014. S’il a décidé de jouer pour les Éléphants pour la première fois en novembre 2020 face à Madagascar (2-1), ce fut au terme d’une longue réflexion, entre envie de participer à de grandes compétitions internationales et incertitude de se voir, peut-être un jour, convoqué en équipe de France.
Tiraillé à l’heure du choix
« Aujourd’hui, il n’a aucun regret par rapport à son choix. Il est fier de représenter la Côte d’Ivoire« , assure Loïc Gustan, l’agent de Haller. Après ses débuts avec les Éléphants, Haller (12 sélections, 4 buts) s’est immédiatement imposé comme un indispensable de la sélection. Une réussite pour Patrice Beaumelle, le sélectionneur de la Côte d’Ivoire, qui avait fait de Haller sa priorité dès son arrivée au poste en 2020.
Pour son premier déplacement comme entraîneur des Éléphants, Beaumelle se rend en effet à Londres en mars 2020 pour assister à un match entre Arsenal et West Ham, où évolue Haller à l’époque. « Mon intérêt pour Haller remontait déjà à ma première mission pour la Côte d’Ivoire, quand j’étais adjoint en 2014-2015 [de Hervé Renard]. Il jouait à Auxerre et j’étais allé le voir jouer discrètement parce que je savais qu’il avait la double-nationalité« , explique Patrice Beaumelle.
« C’est le premier joueur que j’ai rencontré, avec Nicolas [Pépé]. Je voulais à tout prix voir Sébastien pour le convaincre de rejoindre la sélection de la Côte d’Ivoire« , poursuit le sélectionneur. Sur le coup, Haller ne décline pas, mais se donne du temps pour réfléchir. Les échanges, réguliers, entre Beaumelle et le clan Haller, « ont été déterminants » dans la décision de l’attaquant, assure Loïc Gustan.
11 – Sébastien Haller is the first player to score 11+ goals in a Champions League season without playing in at least the quarter-final stage. Support-act. #UCL pic.twitter.com/Q5bJkV3M0q
— OptaJohan (@OptaJohan) March 15, 2022
Après cette rencontre, Haller veut continuer de croire à l’équipe de France, mais ses performances à West Ham ne sont pas flamboyantes. « On ne peut pas dire que c’est le plus doué, assure Pierre Mankowski, sélectionneur de Haller chez les Espoirs. Je me souviens de la première fois où je suis allé le voir jouer à Auxerre, je n’étais pas emballé. Et puis quand je l’ai vu à Utrecht, je me suis dit qu’il fallait quand même continuer de le suivre.«
Pas le plus doué, Haller a pour lui « une énorme capacité de travail, selon Mankowski. Il est très appliqué, il cherche à progresser sans arrêt. Je dirais qu’avec lui, on ne peut pas dire jusqu’où il va aller. » Une détermination qui lui a permis d’exploser à l’Ajax Amsterdam depuis un an : 46 buts inscrits en 58 matchs avec le club néerlandais, et surtout une place de deuxième meilleur buteur de la Ligue des champions cette saison (11 buts), derrière Robert Lewandowski.
« Son cœur battait pour la Côte d’Ivoire »
« Avec Sébastien, c’est toujours la même trajectoire. Ça se fait un peu dans la difficulté, mais il y arrive parce qu’il ne renonce jamais« , assure Pierre Mankowski. Mais après avoir assuré vouloir jouer pour l’équipe de France championne du monde, le choix de représenter une autre équipe n’est-il pas un échec pour l’ambitieux Haller ? « Cette question revient souvent depuis qu’il est sous le feu des projecteurs. Mais non, il est heureux et épanoui« , soutient Loïc Gustan.
L’attachement de Haller à la Côte d’Ivoire, « qu’il a découverte grâce à sa mère ivoirienne« , éloigne rapidement les potentiels regrets. « Son cœur battait pour la Côte d’Ivoire« , assure Patrice Beaumelle, qui se félicite de l’intégration réussie de Haller chez les Éléphants. À 27 ans, l’attaquant a participé en janvier dernier à sa première grande compétition internationale lors de la Coupe d’Afrique des nations. Précisément ce qu’il visait en rejoignant les Éléphants.
L’an prochain, Haller vivra de nouvelles émotions avec l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations par la Côte d’Ivoire, qu’il disputera très certainement aux côtés de Willy Boly et Maxwel Cornet, deux autres joueurs passés par les Espoirs de l’équipe de France et désormais membres de la sélection ivoirienne. Ce vendredi soir, dans le stade Vélodrome de Marseille, c’est à leurs côtés que Haller affrontera ses anciens coéquipiers, désormais joueurs de l’équipe de France.