La Cour pénale internationale (CPI) a tiré les rideaux. Il a clos, il y a 72 heures, le dossier ivoirien. Après Laurent Gbagbo 5et Charles Blé Goudé, plus aucune personne ne sera poursuivi, devant cette Cour, dans le cadre des douloureux événements survenus avant, pendant après la grave crise post-électorale de 2010-2011. 555555555555555555
Nul ne peut être surpris par cette décision attendue comme un tir téléphoné. Actionnée par les puissances occidentales, la CPI n’avait qu’une cible dans le contentieux électoral, le « dictateur et mauvais perdant » Laurent Gbagbo, accusé d’avoir « planifié, avec son entourage, un plan commun pour conserver le pouvoir. »
Toutes les débauches d’énergie des procureurs de la Cour, Luis Moreno Ocampo d’abord, et Fatou Bensouda ensuite, n’ont visé que cet objectif destiné à éliminer ce trouble-fête, qui a refusé d’obtempérer aux injonctions de Barack Obama et des autorités françaises, lui intimant l’ordre de rendre, séance tenante, le pouvoir.
Les déclarations tonitruantes de Fatou Bensouda, du genre « Je peux vous garantir que personne ne sera épargné, » participaient simplement de la diversion et de la manipulation de l’opinion.
Comme au procès de Nuremberg, il y avait le camp des vainqueurs. Cornaqué par Ban Ki-moon, Secrétaire général de l’ONU, Young-jin Choi, certificateur de la présidentielle, et Nicolas Sarkozy, président français, il était, comme les Alliés, placé sous le sceau de l’impunité, bénéficiant arbitrairement d’un blanc-seing.
« On a sorti Laurent Gbagbo. On a installé Alassane Ouattara, sans aucune polémique, sans rien, » triomphe Sarkozy dans son ouvrage « Ça reste entre nous: Deux ans de confidences. » Il renforce, dans ses convictions, Gbagbo qui, du quartier pénitentiaire de Scheveningen à sa sortie, n’a cessé d’affirmer qu’il n’a été écarté du pouvoir, par la force, que pour laisser Ouattara gouverner.
Et, après la victoire de Gbagbo et Blé Goudé à la CPI, acquittés, le 31 mars 2021, de toutes les accusations, cette page judiciaire se tourne honteusement et lâchement, sans aucun coupable des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, ayant endeuillé la Côte d’Ivoire. Ces milliers de victimes, pour la conquête du pouvoir, sont ainsi passées de vie à trépas, pour rien.
En effet, le pays s’est abonné à la fuite en avant et à la fuite des responsabilités. Car le 25 novembre 2010, dans le face-à-face télévisé avec Laurent Gbagbo pour le second tour de la présidentielle du 28, le candidat Alassane Ouattara s’engageait, s’il était élu, à faire la lumière sur des sujets sensibles: le putsch du 24 décembre 1999, qui a emporté Bédié et son régime du PDCI-RDA, la rébellion armée à partir du 19 septembre 2002 contre le pouvoir de Gbagbo, et ses corollaires, les assassinats du général Robert Guéi, du ministre d’État Émile Boga Doudou.
Ouattara voulait continuer de polir son image et convaincre qu’il était étranger à ces événements. Mais, rapidement, il se découvrait. Dans l’hystérique ambiance de la chasse à Gbagbo et ses partisans pour les sanctionner sévèrement, son pouvoir a choisi son camp.
A cet effet, il ouvrait uniquement le procès de l’assassinat de l’ex-chef de la junte militaire pour obtenir, le 18 février 2016, la condamnation à perpétuité du général Dogbo Blé Brunot, ex-commandant de la Garde républicaine, et du capitaine Séka Yapo Anselme dit Séka Séka, ex-aide de camp de Mme Simone Éhivet Gbagbo.
Le pouvoir de Ouattara n’ira pas plus loin, freinant des quatre fers pour éviter de se faire hara-kiri. Il enterrera, trois mètres sous terre, le coup d’État de décembre 1999, qu’il a qualifié de « Révolution des oeillets à l’ivoirienne ». Il ignorera la rébellion armée du « sauveur » Soro Kigbafori Guillaume, qui l’a amené à la tête de l’État après avoir provoqué des centaines de victimes. Et naturellement, il observera un black out total sur le meurtre de Boga Doudou et de tous les autres officiers et civils.
Et alors qu’Alassane Ouattara se prépare à s’adresser, le 18 juin, aux Ivoiriens, aux nombreuses victimes dans les placards de la République, le pays avance avec ses fantômes du passé. Qui réclament et crient justice.
F. M. Bally