Paris a présenté, le 22 octobre, sa stratégie internationale pour la sécurité alimentaire qu’elle souhaite faire endosser par l’Organisation mondiale pour l’alimentation et l’agriculture.
La France a perdu la bataille du poste de directeur général de la FAO en juin dernier mais souhaite garder toute son influence au sein de l’organisation onusienne. Une fois la déception passée, l’équipe française de la candidate Catherine Geslain-Lanéelle a opéré un retour d’expérience à Paris comme à Bruxelles, siège de la Commission européenne. « C’est très important de rester influent à la FAO, explique une source française. Il faut capitaliser sur nos propositions. Les enjeux sont colossaux en matière d’agriculture et d’alimentation ».
La FAO gère d’abord le Codex alimentarius, un ensemble de normes édictées avec l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) servant de base à la plupart des législations nationales et de référence dans les différends portés devant l’Organisation mondiale du commerce. Sa base statistique propose aussi une vue imprenable sur les enjeux alimentaires mondiaux. L’organisation accompagne enfin les pays du Sud pour la mise en place de leurs politiques agricoles.
Delphine Borione, ambassadrice de France auprès de la FAO, est récemment allée à la rencontre du nouveau directeur général de la FAO, le chinois Qu Dongyu, entré en fonction le 1er août. Enjeu : le maintien de responsables français à des postes clés pour continuer à peser sur les politiques. Paris dispose notamment d’un directeur général adjoint, Laurent Thomas. La pérennité de ce poste ne va pas de soi comme lui a fait savoir Qu Dongyu. Le nouveau directeur général est, en effet, en train de remanier les équipes. « Il n’a pas hésité à se séparer du secrétaire général de l’organisation et du directeur du personnel qui étaient pourtant des proches de son prédécesseur brésilien, José Graziano da Silva du Brésil, qui a fait campagne pour lui », ajoute la source française.
La sinisation est en marche, aussi au travers du story-telling. Fin septembre, Qu Dongyu, a annoncé le lancement de l’initiative «Une Grande muraille verte » pour les villes dont l’ambition est de créer de zones vertes urbaines qui contribueront aux activités de restauration de paysages. Qu Dongyu entreprend aussi de réorganiser le site internet de la FAO, un travail confié au ministère de l’agriculture… chinois.
Contribution française. Mardi 22 octobre, Laurent Thomas était de passage à Paris pour la présentation du document de stratégie internationale de la France pour la sécurité alimentaire, la nutrition et l’agriculture durable. L’adjoint français de Qu Dongyu a salué la nomination du nouveau patron de la FAO et a insisté sur l’esprit de collaboration entre la France et l’organisation onusienne, matérialisé par un accord-cadre. « La France et la FAO font souvent des constats identiques, a-t-il souligné. Quand on travaille bien ensemble, on fait des progrès ». Avant de lister les enjeux : adaptation au changement climatique, défi agroécologique, sécurité alimentaire. Selon lui, la nouvelle administration de la FAO va mettre l’accent sur les innovations, notamment le numérique dans les systèmes agricoles durables, le rôle des femmes et des jeunes.
La France a contribué, au cours des huit dernières années, à hauteur de 250 millions d’euros du budget et des actions de la FAO dans le monde. Elle souhaiter garder un levier pour le pilotage des politiques, notamment en terme de sécurité alimentaire.
Le Quai d’Orsay comme les ONG constatent que celle-ci a été reléguée au second plan de l’agenda international. Environ 1,3 milliard de personnes vivent aujourd’hui en cas d’insécurité alimentaire modérée et 820 millions sont dans une situation plus grave, soit au total plus d’un quart de la population mondiale. Pourtant, la communauté internationale a fixé un « objectif faim zéro » d’ici 2 030. « Le sujet n’est pas derrière nous, a indiqué Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du Ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères. Il est encore devant nous. 2 030 c’est demain ! »
Le secrétaire d’Etat a présenté la feuille de route française : renforcement de la gouvernance mondiale de la sécurité alimentaire et de la nutrition ; développement des systèmes agricoles et alimentaires durables en soutenant la mise en place de projets régionaux et nationaux agro-écologiques comme l’irrigation économe, le traitement de l’eau, la lutte contre les pertes post-récoltes ; appui aux systèmes alimentaires produisant des aliments nutritifs sains et accessibles ; structuration de filières agro-alimentaires durables pour favoriser la création d’emplois dans les territoires ruraux, notamment pour les jeunes ; actions d’assistance alimentaire aux populations les plus vulnérables.
La France s’est notamment fixée pour objectif de soutenir 27 millions de ses exploitations agricoles familiales nationales d’ici 2 024 et de développer les infrastructures de transport en milieu rural.