Laurent Gbagbo obtiendra-t-il son nouveau passeport ? Selon nos sources, une mission du ministère ivoirien des Affaires étrangères a rencontré l’ancien chef de l’État, lundi 23 novembre, à Bruxelles. Une information confirmée à Jeune Afrique par son avocate, Me Habiba Touré. « Ils ont pris sa photo et ses empreintes », précise-t-elle.
« La mission du ministère des Affaires étrangères s’effectuait dans le cadre des démarches visant à permettre la délivrance d’un passeport diplomatique. Mais il est aussi prévu que Gbagbo se voir remettre un passeport ordinaire », précise une source diplomatique.
« Opération de communication »
« L’ancien président devrait prochainement les recevoir, peut-être d’ici à la fin du mois de novembre, explique un proche d’Alassane Ouattara. Cela dépendra aussi de l’avancée des discussions avec l’opposition à Abidjan. » L’entourage de Laurent Gbagbo se veut prudent. « Cette mission est une opération de communication, affirme l’un de ses membres. Si le chef de l’État avait voulu lui accorder un passeport, il le lui aurait déjà donné. »
Fin juillet, Gbagbo s’était personnellement déplacé à l’ambassade de Côte d’Ivoire à Bruxelles, où il réside depuis son acquittement par la Cour pénale internationale (CPI) en janvier 2019, pour introduire une demande de passeport ordinaire et de laisser-passer.
Dans une interview accordée en septembre dernier au journal français La Tribune, Sidy Touré, ministre ivoirien de la Communication et porte-parole du gouvernement, avait laissé entendre que le dossier était incomplet. « L’obtention d’un passeport relève d’une procédure connue de tous. Il faut fournir documents, des empreintes, etc. Allez demander aux conseillers de M. Gbagbo pourquoi ils n’arrivent pas à remplir les documents ! », avait-il déclaré.
LE PRÉSIDENT N’EST PAS FORCÉMENT PRESSÉ DE LE VOIR RENTRER. IL ESTIME QUE SA PRÉSENCE POURRAIT ENTRAÎNER DES TROUBLES À L’ORDRE PUBLIC
Une version démentie par Me Habiba Touré. « Il y effectivement eu un problème avec la prise d’empreintes, mais l’ambassadeur nous avait affirmé que ce n’était pas une condition sine qua non pour la délivrance d’un passeport. Il avait demandé un certificat médical qui préciserait qu’il n’avait pas été possible de prendre ses empreintes. Le dossier complet avait ensuite été envoyé à Abidjan. Depuis, rien. Et cela fait quatre mois que Laurent Gbagbo attend », ajoute-t-elle.
« Laurent Gbagbo va rentrer »
Réticent à voir Gbagbo rentrer en Côte d’Ivoire avant l’élection présidentielle du 31 octobre, Alassane Ouattara avait affirmé à plusieurs chefs d’État et dans plusieurs interviews qu’il prendrait des dispositions pour faciliter le retour de l’ancien président après le scrutin. Condamné en janvier 2018 à vingt ans de prison en Côte d’Ivoire dans l’affaire dite du « braquage de la BCEAO », l’ex-président est toujours sous la menace de la justice ivoirienne.
« Laurent Gbagbo va rentrer. Il a été acquitté en première instance par la CPI, mais il y a une procédure d’appel et, dès qu’elle sera terminée, je prendrai les dispositions pour qu’il puisse rentrer. Mais il a été condamné pour le pillage de la BCEAO et il y a des victimes qui ont ouvert une procédure ici pour les tueries perpétrées pendant sa présidence. Si je ne fais pas quelque chose, il ira directement en prison. Je ne compte pas l’amnistier, mais prendre une décision qui facilite son retour », déclarait Alassane Ouattara au Monde, le 27 octobre.
Craintes de troubles
Une fois son passeport en poche, Laurent Gbagbo pourra-t-il regagner la Côte d’Ivoire ? En théorie, rien ne l’en empêche.
Depuis fin mai, l’ancien président est autorisé à quitter la Belgique si un pays accepte de l’accueillir sur son territoire. Une requête avait été déposée auprès de la Côte d’Ivoire, le 10 juin, par le greffe de la CPI. Les autorités ivoiriennes l’ont bien réceptionnée, mais n’y ont pas encore répondu. Selon nos sources, elles ne sont toujours pas favorables à ce que le retour de Gbagbo intervienne avant la fin de la procédure devant la CPI et comptent le lui faire savoir.
« Le président n’est pas forcément pressé de le voir rentrer. Il estime que sa présence pourrait entraîner des troubles à l’ordre public. Il est prêt à lui accorder une grâce, mais veut d’abord avoir des certitudes sur son état d’esprit. Le problème avec Gbagbo, c’est qu’il est difficile [de savoir s’il respectera] son engagement », poursuit un collaborateur du chef de l’État.
Le cas Gbagbo a été abordé lors de la rencontre entre Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié, le 11 novembre, à Abidjan. La question a également fait l’objet de discussions entre le chef de l’État et son homologue français, Emmanuel Macron étant favorable à un retour de l’ancien président en Côte d’Ivoire.