Le principal parti d’opposition nigérian a accusé le parti au pouvoir de « manipuler » les résultats de la présidentielle de samedi, alors que la Commission électorale (INEC) accordait lundi soir une légère avance au président sortant, Muhammadu Buhari, lors d’un décompte encore partiel.
Le Nigeria a voté samedi pour choisir son nouveau président, entre Muhammadu Buhari, 76 ans, pour le Congrès des progressistes (APC) qui affronte l’ancien vice-président Atiku Abubakar, 72 ans (PDP), mais aussi ses députés et sénateurs.
Lundi soir, lorsque la Commission électorale a ajourné le décompte pour le reprendre mardi à 09h00 GMT, elle avait annoncé les résultats de 12 États sur les 36 du pays, outre la capitale fédérale Abuja. Et l’avance que connaissait le président sortant s’est réduite en fin de journée.
Muhammadu Buhari menait avec presque 3 millions de voix, contre 2,7 millions à Atiku Abubakar. Le chef de l’État a bénéficié de scores très importants dans son bastion du nord-est (près de 90% dans l’État de Yobe) et d’un faible taux de participation dans le sud-est (18% dans l’État d’Abia).
Pour être élu dès le premier tour, le vainqueur doit obtenir, outre la majorité des suffrages exprimés, au moins 25% des voix dans les deux tiers des 36 Etats auxquels s’ajoute le territoire d’Abuja. Sinon un second tour devrait avoir lieu dans une semaine.
Le conseiller en communication de Muhammadu Buhari, Bachir Ahmad, a annoncé sur Twitter sa victoire dans les importants États de Kano ou Lagos, mégapole de plusieurs millions d’électeurs, malgré l’interdiction de propager des résultats non-officiels.
En fin d’après-midi, l’opposition a alors dénoncé une « manipulation » des résultats par le parti au pouvoir.
Jeu « dangereux »
« C’est inacceptable », a lancé Uche Secondus, directeur de campagne du Parti populaire démocratique (PDP), alors que les résultats officiels ne devraient pas être connus avant mardi dans la journée.
« Cela va être difficile pour le pays tout entier d’accepter un tel niveau d’intimidation », a déclaré Uche Secondus, sans dire néanmoins si le PDP envisageait de lancer des procédures judiciaires pour faire annuler l’élection.
« C’est comme si nous étions retournés à l’ère des régimes militaires, nous n’avons jamais vu ça », a-t-il asséné, soulignant que dans les bastions du PDP (Etat d’Abia), de nombreux bureaux de vote ont été ouverts très en retard ou ont été saccagés (Lagos).
La semaine dernière, le PDP avait déjà accusé Muhammadu Buhari, ancien général qui a dirigé une première fois le Nigeria en 1983 sous la dictature militaire, de « n’avoir jamais été un démocrate », après qu’il eut exhorté l’armée à tirer sur les fraudeurs pendant le vote.
Mais le parti pouvoir a aussitôt réagi en accusant le PDP de jouer un jeu « dangereux » en voulant « discréditer et déstabiliser » le processus électoral qu’il estime avoir été « largement conduit dans le calme et dans les temps ».
« C’est un assaut sur notre démocratie, c’est un affront aux millions de Nigérians qui se sont réunis pour exercer leur devoir citoyen », écrit Festus Keyamo, dans un communiqué.
« Manquements opérationnels sérieux »
Les observateurs de l’Union européenne, qui ont noté des « manquements opérationnels sérieux » dans le déroulement du scrutin, ont « invité les partis politiques ou les candidats qui s’estiment lésés à utiliser la voie de la justice ».
« La grande majorité des bureaux de vote ont ouvert très tard (…), le matériel manquait (…) créant de la confusion et des tensions », a rapporté Maria Arena, cheffe des observateurs de l’UE, lundi, faisant état de cas « d’intimidation et de violences ».
Situation Room, groupe de la société civile nigériane qui avait déployé plus de 8 000 observateurs, a recensé au moins 39 morts depuis samedi dans des violences directement liées au vote, regrettant le « manque de compassion et d’intérêt de la classe politique à ce sujet ».
Accord de paix
Clement Nwankwo, coordonnateur de Situation Room, a également regretté qu’il y ait eu plusieurs cartons de bulletins sans empreinte comptabilisés (les électeurs nigérians apposent leur empreinte devant le parti de leur choix). « Les problèmes logistiques ont été très importants », a-t-il confié à l’AFP. « L’élection est un pas en arrière par rapport à l’élection générale de 2015 », a conclu Situation Room.
De son côté, le chef de la mission d’observation de l’Union africaine, l’ancien Premier ministre éthiopien Hailemariam Desalegn, a salué un vote qui s’est « globalement déroulé dans un climat de paix » malgré les retards.
L’ambassadeur des Etats-Unis, allié historique du Nigeria, a également salué le calme relatif du déroulement du scrutin, et a demandé à tous les « candidats de se tenir à l’Accord de paix » signé quelques jours avant le vote, où ils s’engageaient à respecter les résultats officiels.