À l’ère de la digitalisation, où l’information se consomme en temps réel et où les citoyens s’informent majoritairement via internet, il est surprenant de constater que plusieurs grandes formations politiques ivoiriennes ne disposent pas de site internet officiel. Quinze ans après l’accession au pouvoir du Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP), le parti du président Alassane Ouattara ne possède toujours pas de plateforme officielle en ligne. Il en est de même pour le Parti des Peuples Africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI) de l’ancien président Laurent Gbagbo et le Congrès panafricain pour la justice et l’égalité des peuples (COJEP) de Charles Blé Goudé.
En revanche, d’autres partis semblent avoir pris conscience de l’importance d’une présence numérique institutionnelle. Depuis l’élection de Tidjane Thiam à la présidence du Parti Démocratique de Côte d’Ivoire – Rassemblement Démocratique Africain (PDCI-RDA), le plus vieux parti du pays s’est doté d’un site internet, marquant ainsi un tournant dans sa communication politique. Le Mouvement des Générations Capables (MGC) de l’ancienne première dame Simone Ehivet Gbagbo et le Front Populaire Ivoirien (FPI) dirigé par Pascal Affi N’Guessan disposent également de plateformes numériques officielles.
Un Manque de Stratégie Numérique ?
L’absence de sites internet pour certains grands partis politiques ivoiriens pose plusieurs interrogations. Est-ce un simple retard dans l’adaptation aux enjeux de la digitalisation ou un choix stratégique délibéré ? À l’heure où la communication politique s’appuie largement sur le numérique, ce vide numérique peut être perçu comme un manque d’organisation ou de volonté d’interaction directe avec les citoyens.
En effet, un site internet officiel permettrait aux partis de :
– Contrôler leur communication* en diffusant des informations vérifiées et officielles, réduisant ainsi les risques de désinformation.
– Mobiliser les militants et sympathisants* en facilitant l’adhésion en ligne et en partageant des contenus engageants.
– Affirmer leur crédibilité* sur la scène nationale et internationale, en présentant leurs idéologies, programmes et actions.
– Structurer leur présence numérique* au-delà des réseaux sociaux, qui, bien que puissants, restent soumis aux algorithmes et aux restrictions des plateformes privées.
Les Réseaux Sociaux Suffisent-ils ?
Si certains partis justifient cette absence par leur présence sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, WhatsApp, TikTok), ces plateformes ne remplacent pas un site internet officiel. Les réseaux sociaux offrent une visibilité, mais restent vulnérables aux manipulations algorithmiques et aux risques de suspension de comptes. À l’inverse, un site internet institutionnel permet de centraliser et d’archiver durablement les communications officielles du parti.
Vers un Réveil Numérique des Partis Ivoiriens ?
L’initiative du PDCI-RDA sous Tidjane Thiam pourrait-elle inciter d’autres formations à suivre le pas ? Avec les échéances électorales à venir, il devient crucial pour les partis politiques de renforcer leur présence numérique. L’enjeu n’est plus seulement de communiquer, mais aussi de structurer une stratégie digitale cohérente et efficace.
L’inaction numérique de certaines grandes formations politiques peut apparaître comme un paradoxe à une époque où la digitalisation s’impose à tous les niveaux de la démocratie. L’avenir nous dira si ces partis sauront combler ce vide stratégique ou s’ils continueront à évoluer dans un paysage politique où la communication numérique reste encore sous-exploitée.
Amara Coulibaly, journaliste professionnel et Doctorant en Communication.