D’un côté, une légende vivante du ballon rond. De l’autre, le président sortant. Tous deux briguent la tête de la fédération. Ils ne sont pas les seuls candidats, mais c’est entre eux que cela se jouera. Le suspense prendra fin au soir de l’élection, le 11 décembre.
C’est une bataille mêlant opposition de style et guerre de réseaux. Alliés en 2018, Seidou Mbombo Njoya et Samuel Eto’o sont désormais engagés dans un duel à l’issue incertaine pour le contrôle de la Fédération camerounaise de football (Fecafoot). Le suspense est tel que la campagne des deux candidats est devenue l’attraction sportive de cette fin d’année, en l’absence de championnat, à l’arrêt depuis septembre.
Légende vivante du football camerounais, Samuel Eto’o, 40 ans, n’est évidemment pas étranger à la passion que suscite cette élection. L’annonce de la candidature de l’ancien « goleador » du FC Barcelone, meilleur buteur de l’histoire des Lions indomptables, a eu l’effet d’une bombe sur l’ensemble de la planète foot. Mais pourquoi cette personnalité, dont l’aura a depuis longtemps traversé les barrières du monde du sport et les frontières de son pays, est allée se plonger dans ce nid à problèmes qu’est la Fecafoot ?
Entre les élections contestées, les multiples comités de normalisation installés par la Fifa, les procédures judiciaires devant le Tribunal arbitral du sport (TAS) et les conflits avec le ministère de tutelle, Samuel Eto’o aurait eu toutes les raisons de se tenir à distance de cette institution en crise. Mais il répète qu’il veut « servir la maison qui lui a donnée tous ses titres » et travailler à la « reconstruction du football camerounais ».
Supporteurs déchaînés
Avec ce discours, l’ancien capitaine des Lions indomptables a réussi à s’attirer nombre de soutiens. Le 17 novembre, alors qu’il était venu formellement déposer sa candidature, laquelle n’était qu’un secret de polichinelle, une horde de supporteurs enthousiastes et déchaînés se sont massés devant le siège de la Fecafoot. Leur appui ne sera pas superflu, tant il est vrai que Samuel Eto’o ne maîtrise pas tous les rouages de la machine Fecafoot. Il a beau avoir soutenu Seidou Mbombo Njoya il y a trois ans, il a toujours été un acteur externe à la fédération.
JE DEMANDE AU CAMP D’EN FACE DE FAIRE TRÈS ATTENTION, A MENACÉ SAMUEL ETO’O
Après avoir un temps vu sa candidature menacée de disqualification en raison de sa double nationalité, Eto’o a vu fondre le collège électoral, qui est passé de 111 membres à 76, et redouté que ses chances ne s’amenuisent d’autant. « Je demande au camp d’en face de faire très attention. Nous avons déjà accepté beaucoup de choses, a menacé un Eto’o convaincu que de basses manœuvres étaient en cours pour écarter sa candidature. Si l’un des Camerounais qui a bien voulu me donner son parrainage est éliminé, je viendrai à ce siège avec cette foule déloger [les intrigants]. » Une déclaration enflammée qui témoigne aussi de la tension qui prévaut désormais dans la campagne.
Le 30 novembre, il a ensuite porté de graves accusations contre son adversaire, qui s’est, selon lui, rendu coupable de « corruption, manipulation de matchs et détournement de fonds ». Documents à l’appui, il lui a reproché d’avoir versé une grosse somme d’argent au président des Astres FC de Douala pour qu’il renonce à une réintégration immédiate du club en première division, ainsi qu’une décision de la Chambre de conciliation et d’arbitrage (CCA) l’y autorisait. Hors délai pour ce type de recours, Eto’o a été débouté, mais la charge était violente.
Soutien des clubs versus agence de conseil
En face, le président sortant a jusqu’au bout tenté de s’épargner une confrontation avec Samuel Eto’o, en vain. Ni les médiations menées par les responsables de la présidence de la République ni la rencontre organisée le 14 novembre à Kinshasa sous l’égide du Congolais Étienne Tshisekedi, n’ont réussi à convaincre l’ancien footballeur d’accepter le poste de vice-président de la fédération qui lui était proposé.
FORT DE SES LIENS AVEC LES AUTORITÉS CAMEROUNAISES, SEIDOU MBOMBO NJOYA EST SÛR DE REMPORTER LE BRAS DE FER
Dans cette ambiance pesante, Seidou Mbombo Njoya continue de croire en ses chances de poursuivre son aventure à la tête de la Fecafoot. Âgé de 60 ans, le président du club Fédéral du Noun est aussi le fils d’Ibrahim Mbombo Njoya – puissant sultan des Bamouns et représentant du parti au pouvoir dans la région de l’Ouest. Depuis le décès de ce dernier, survenu fin septembre, c’est l’un de ses frères, Nabil Njoya, qui a repris le flambeau – et l’influence qui va avec. Fort du soutien des autorités camerounaises, Seidou Mbombo Njoya est certain de remporter le bras de fer. Ses équipes et lui n’ont de cesse de répéter, à l’attention des 76 membres du collège électoral, que « son mandat a été entaché de contingences telles que le Covid qui ne lui ont pas permis de déployer le programme pour lequel il avait été élu » et qu’il faut donc lui donner plus temps.
Pour qui penchera le vote ? Le sortant sait qu’il pourra compter sur les alliances passées avec certains délégués, notamment les présidents de club qu’il a accompagnés dans leur litige contre le président de l’ex-Ligue de football professionnel (LFP), Pierre Semengue. Seidou Mbombo Njoya est aussi réputé proche de l’ancien président de la Fecafoot, Iya Mohamed, et d’Issa Hayatou, deux personnalités du sport camerounais originaires du grand Nord. Des liens qui lui ont permis d’obtenir ce dimanche 5 décembre le soutien des délégués originaires du septentrion (Adamaoua, Nord, Extrême-Nord), ainsi que ceux du Centre, de l’Ouest et du Nord-Ouest, créant une onde de choc dans la campagne.
Le match n’est pas pour autant joué d’avance, tant la personne d’Eto’o, tout comme son ambitieux programme de campagne, sont susceptibles d’influencer le choix des électeurs et même des candidats. Ce lundi 7 décembre, l’ancien footballeur Emmanuel Maboang Kessack et Jules Denis Onana se sont ralliés à Eto’o, comme l’avait fait avant eux le président du club de Bamboutos de Mbouda, Justin Tagouh. L’ancien international promet une restructuration complète du football camerounais, de la construction des infrastructures à la formation des joueurs en passant par le financement des clubs. Un plan XXL qui pourrait séduire nombre de délégués. Samuel Eto’o s’est d’ailleurs offert les services de deux journalistes locaux et d’une agence de conseil pour le faire connaître. Cette campagne à l’américaine devrait lui permettre d’élargir une base électorale actuellement constituée d’une majorité de délégués originaires des régions de l’Est, du Sud-Ouest et du Littoral. Verdict au soir du 11 décembre.