Simone Gbagbo a brisé un tabou, samedi, en osant remettre en question la ligne du « Gbagbo ou rien » défendue par la frange du Front populaire ivoirien restée fidèle à l’ancien président.
« Nous devons suivre Laurent Gbagbo parce que nous partageons sa vision et non pour des raisons personnelles, car celles-ci sont fragiles. Dans le combat que nous menons, Gbagbo Laurent doit être le centre de nos revendications, parce qu’il est la tête qui nous représente. (…) S’il n’est pas là, notre vision est tuée. Mais notre vision, ce n’est pas Gbagbo Laurent. Notre vision, c’est la Côte d’Ivoire nouvelle. Le jour où Gbagbo Laurent ne sera plus là, notre vision ne doit pas mourir. »
C’est un ballon d’essai pour le moins osé qu’a lancé Simone Gbagbo, samedi 30 novembre, face à une salle totalement acquise à l’ancien président ivoirien, actuellement en liberté conditionnelle en Belgique.
La réaction pour le moins mitigée de l’assistance – conduite par l’ex-députée Odette Lorougnon, radicale présidente de l’Organisation des femmes du FPI (Offpi) – , a d’ailleurs contraint l’ex-Première dame à réorienter son discours. Simone Gbagbo savait qu’elle jouait gros, en abordant ce sujet tabou : celui de ne plus faire de son époux l’unique revendication du parti qu’il a créé.
Et ce n’est pas la première fois. En août 2018, elle avait déjà tâté ce terrain, lors de sa première prise de parole à sa sortie de prison. « Nous sommes venues pour reprendre le combat. Nous sommes venues pour engager la marche vers le pouvoir. Nous sommes venues, levez-vous, préparez-vous et mettez-vous à marcher, car nous allons vers le pouvoir », avait-elle lancé. « La refondation a commencé aujourd’hui. Toutes les choses sont nouvelles. Militants, militantes, levez-vous. On est partis et on ne s’arrêtera pas », avait-elle ajouté.
La colère d’Aboudramane Sangaré
Ce discours avait alors provoqué la colère de feu Aboudramane Sangaré, membre fondateur du FPI, qui assura la présidence par intérim de la branche du parti fidèle à Laurent Gbagbo jusqu’à son décès, le 3 novembre 2018.
Mais il avait été interprété comme celui d’une femme saisie par l’émotion, qui venait de sortir de prison après avoir traversé de dures épreuves, et, de ce fait, avait vite été oublié. Par la suite, Simone Gbagbo avait emboîté le pas aux partisans du « Gbagbo ou rien », clamant à l’envi, comme les autres cadres du parti : « Gbagbo revient bientôt ».
Mais si, lors de cette première intervention, Sangaré, le gardien du temple FPI, avait immédiatement recadré Simone Gbagbo, cette fois, personne n’ose – en son nom propre – reprendre l’ex-Première dame. Un communiqué a cependant été publié sur la page Facebook du « FPI-Gbagbo », signé par « le service de communication » du parti.
Trouble à la direction du FPI
Si Simone Gbagbo n’y est pas nommément citée, la réponse lui est clairement adressée : « Laurent Gbagbo est non seulement la tête qui symbolise notre vision, mais il est également notre vision. Et, au-delà, il est la vision. Nous, nous sommes les Gbagbo ou Rien. » La mise au point, abondamment relayée par des inconditionnels de Gbagbo sur les réseaux sociaux, a été supprimée le lendemain.
Depuis, ni Assoa Adou, le secrétaire général du FPI, ni les responsables de la communication du parti – emmenés Franck Anderson Kouassi et César Etou – n’ont réagi officiellement. Preuve du trouble que la question soulevée par Simone Gbagbo suscite au sein du camp Gbagbo.
Avant elle, Pascal Affi N’Guessan, président légal du FPI avait osé « tourner la page » Gbagbo. La suite, pour lui, est connue. Marginalisé au sein du parti, abandonné par l’essentiel de l’élite, il fait face depuis plusieurs années à une fronde qui contrôle une bonne partie de la base. Dans le même temps, la frange du FPI fidèle à l’ancien président se refuse toujours à évoquer la question d’une présidentielle sans Laurent Gbagbo, en octobre 2020.