Lors d’un débat en ligne organisé mardi, ils ont recensé les priorités pour permettre au continent de rebondir.
Si le Covid-19 semble en partie épargner l’Afrique, l’inquiétude sur ce continent n’en est pas moins grande. Les conséquences économiques de la pandémie s’annoncent très graves pour cette région qui pourrait connaître une récession pour la première fois en un quart de siècle. «Cet épisode, c’est l’équivalent de la grippe espagnole doublée de la crise de 1929», a assuré l’ancien banquier d’affaire Tidjane Thiam, aujourd’hui membre d’un cercle de réflexion économique monté en avril par l’Union africaine, en introduction d’une conférence du New York Forum Institute.
Organisé en ligne, ce débat qui réunissait cinq présidents africains avait pour objectif de définir les priorités pour sortir au plus vite l’économie africaine de son marasme. Tous s’entendent pour demander une importante aide internationale. «C’est un phénomène qui est né hors d’Afrique et qui pourtant frappe l’Afrique le plus durement. Il est donc naturel de nous aider», a souligné Uhuru Kenyatta, président du Kenya, tout en refusant «d’accabler quelqu’un».
Nous aider est un devoir de solidarité mais aussi un besoin si on veut que l’on puisse payer un jour nos dettes privées, ce que nous avons toujours fait
Uhuru Kenyatta, président du Kenya
Mahamadou Issoufou, à la tête du Niger, tout en remarquant la «résilience de l’Afrique», moins atteint «sans doute en raison du climat, de la démographie et des habitudes de résister aux épidémies», a plaidé pour une annulation rapide de la dette, ou au moins son aménagement. «Une question de solidarité essentielle pour soutenir les secteurs touchés et trouver des marges», a insisté le chef d’État ivoirien Alassane Ouattara, et cela, même si son pays «s’en sort pas trop mal».
Repenser la gouvernance
Reste que, si les présidents, à l’image du Sierra-Leonais Julius Maada Bio, ont tous salué les rapides interventions de la Banque mondiale et du FMI, ils n’ont encore aucune réponse sur cette question. «Il a eu un moratoire mais ce n’est pas suffisant», a regretté le Sénégalais Macky Sall, affirmant que la dette bilatérale africaine «représentait moins de 2% des sommes mobilisées par les États du G20 pour faire face à la pandémie». Pour la dette privée, question plus délicate, les présidents évoquent des solutions nouvelles, comme, pour Macky Sall: «un véhicule particulier pour refinancer les entreprises». Les présidents sont en revanche tous d’accord: la solution doit être commune à toute l’Afrique. Ils ont d’ailleurs mandaté l’Union africaine pour négocier. «Nous aider est un devoir de solidarité mais aussi un besoin si on veut que l’on puisse payer un jour nos dettes privées, ce que nous avons toujours fait», a rappelé Uhuru Kenyatta.
Au-delà de la question de la dette, les chefs d’État estiment que cette crise est l’occasion de redéfinir le modèle de développement vers un modèle avec «plus de solidarité et moins d’inégalité» selon le président nigérien. Ce «nouvel ordre mondial» demandé par son homologue kenyan doit revisiter la gouvernance planétaire et intégrer les problèmes du réchauffement climatique, où l’Afrique «n’est là encore pas responsable mais la principale victime». «Il est de temps de repenser les choses dans cette gouvernance largement mise sur pied après 1945, alors que l’Afrique n’était pas indépendante», a martelé Macky Sall.