Le goût de la lecture est génétique chez elle. Elle l’a reçu de sa famille. Elle en donne, à son tour, à son monde à elle. La lecture, pour l’écrivaine Mahoua Bakayoko, plus qu’une simple passion, est devenue une profession. De la passion, elle passe à la transmission. » Je joue le rôle de passeuse. Je veux rendre ce que j’ai appris de ma famille. Mon père, mon grand frère et ma sœur aimaient tous lire. Il y avait des livres dans tous les coins de la maison », se plaît-elle à dire. Elle qui ne produit que depuis 2012.
Auteure-éditrice, Mahoua Bakayoko vient d’achever un séjour meublé d’une causerie littéraire de quinze jours à Paris qu’elle a baptisé » Le barrow de Mahoua ». Une aubaine pour la native de Seguela d’aller au contact de ses lecteurs. Davantage partager sa fièvre de la lecture, resserrer et raffermir les liens avec eux.
Quinze jours donc pour parler, donner et recevoir de la « vie » de ses dix productions en dix ans. De sa première œuvre littéraire » La Rébellion de Zantigui » à » Mansa Djouroutabali » en passant par « Dangadeh », » On me l’a oté », » Tounghan ou les écueils de l’immigration », en 3 toms, » Chroniques étranges d’Afriki »( 2 toms), » le fruit de l’honnêteté », elle aura tout passé au peigne fin. À travers un verbe aussi simple que limpide accessible à tous, elle dépeint la société ivoirienne voire africaine. Excisée elle-même, elle protège les générations féminines actuelles et à venir contre cette tare coutumière africaine. Elle touche également du doigt l’immigration clandestine dont les effets néfastes ne sont plus à démontrer.
Épouse de diplomate, mère de trois enfants, Mahoua Bakayoko a démissionné de l’enseignement voici dix ans pour suivre son diplomate de mari. Désormais, elle ne se consacre qu’à sa passion; l’écriture.
Que doit-on retenir des quinze jours du « Barrow de Mahoua Bakayoko » que vous avez passés à Paris ?
Vous savez, comme je l’ai toujours dit, on peut s’enrichir sans s’appauvrir. On peut aussi donner sans être emputé de quelque chose. Je veux juste qu’on retienne que ce fut un grand moment de partages mutuels. Je suis venue partager. Parce que je dois jouer le rôle de passeuse, du donner et du recevoir.
Arrivée avec mon regard de femme d’Afriki à Paris, je me suis nourrie de leurs regards d’Africains vivant à Paris, qu’ils y soient nés ou pas. J’ai, en fait, retrouvé cette envie de partage.
Vous savez en Afrique, tout est prétexte d’éducation. Que ce soit en famille, au marché ou au champ. En Afrique quand on mange en famille par exemple, un enfant ne peut pas se permettre de piocher la viande devant son aîné. C’est de l’éducation. Ce qui est différend de l’Europe.
D’où et comment vous est venue le goût de l’écriture ?
En fait, j’ai toujours été nourrie de l’écriture très tôt. Mon père, mon grand frère et ma grande sœur, tous aimaient la lecture. Nous avions des livres partout chez nous à la maison. En chambres, au salon, en bibliothèque etc…
À telle enseigne que quand tu finis de lire un livre, tu as envie d’en lire un autre.
Au point où quand vous commencez à écrire en 2012, vous ne vous arrêtez plus. Résultat, dix livres écrits en dix ans…d’où vous vient cette adrénaline ?
( Rires)…Ça vient selon l’inspiration. Comme je vous l’ai dit, j’aime lire et écrire. Je suis une véritable passionnée de l’écriture. Et je partage ce que j’ai reçu de ma famille avec la plume.
Vous pourriez donc transmettre cet amour de la lecture à vos enfants ou pas?
J’espère le passer à mes enfants. En ce moment même, je m’essaye à la littérature jeunesse. Je souhaite ardemment le transmettre à mes enfants.
Avez-vous un ou des modèles dans le monde littéraire ?
Oui forcément. J’en ai deux. Amadou Hampate Bâ et Mamadou Kourouma. Ce sont mes phares. Cela ne veut pas dire que je n’aime pas les autres. Je les lis tous. Qu’ils soient Ivoiriens, Européens ou Africains.
Dans vos productions littéraires, vous dépeignez tous les secteurs de la société y compris la politique. Votre premier livre, » La Rébellion de Zantigui », en est la preuve. Aussi fictif soit-il, ce livre parle de la rébellion en Côte d’Ivoire. Quelle est donc votre idée sur la politique, en général, et celle, en Côte d’Ivoire ?
Il faut le dire tout net sans langue bois. Il y a eu des couacs, des bégaiements dans la démocratie chez nous en Côte d’Ivoire. J’ai planté le décor dans ce livre même s’il est imaginaire.
Une rébellion n’a jamais été bonne. Et je suis foncièrement contre toutes formes de rébellions, de prise d’armes. Parce que pour moi, il faut laisser toute sa place à la démocratie pour qu’elle puisse s’exprimer. Bien que la démocratie européenne ne soit pas parfaite, c’est le seul instrument dont nos états disposent pour l’instant pour diriger nos nations. Étant écrivaine, j’ai un regard sur la société. Et moi, je suis pro Côte d’Ivoire. À chacun de prendre ses responsabilités…
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