Pour rendre le foot africain « plus compétitif et autosuffisant », la CAF planche sur la création d’un nouveau rendez-vous réunissant les vingt meilleurs clubs du continent.
Enterrée pour le moment en Europe, la Super Ligue des clubs va-t-elle finalement naître en Afrique ? Peu disert depuis son élection à la tête de la Confédération africaine de football (CAF), le 12 mars, le Sud-Africain Patrice Motsepe compte en tout cas en faire l’un des marqueurs de son mandat. Le sujet est évoqué dans un long communiqué, publié par le site de l’instance le 20 juin. « Des discussions à cet égard ont déjà eu lieu », y lit-on.
Censée permettre au football africain de devenir « plus compétitif et autosuffisant », l’initiative, qui s’ajoute à celles prises en faveur d’une meilleure gouvernance, a été jusque-là assez bien accueillie. « Beaucoup de dirigeants de fédérations et de clubs potentiellement concernés sont séduits, confirme le responsable d’une formation subsaharienne. Même si aucune date n’est avancée pour le moment, on devine que le président de la CAF veut aller vite. »
Selon les informations du Monde Afrique, des membres de la Fédération internationale de football (FIFA) sont impliquées dans les discussions. A l’occasion d’un déplacement à Lubumbashi, en République démocratique du Congo (RDC) en novembre 2019, puis en février 2020 au Maroc lors d’un séminaire CAF-FIFA, le président de l’institution internationale, Gianni Infantino, avait ouvertement soutenu la mise en place d’une Ligue africaine réunissant les vingt meilleurs clubs du continent. Une telle compétition, estimait-il, pourrait rapporter 2,5 milliards d’euros sur cinq ans.
« Recettes supplémentaires »
Très proche de l’Italo-Suisse, Patrice Motsepe ne s’est, lui, pas risqué à avancer de chiffres. Ni le montant du ticket d’entrée que les clubs éligibles devraient verser pour avoir le droit d’intégrer cette élite, ni les noms des formations qui seraient susceptibles d’adhérer à la super ligue, n’ont fuité. Pourraient logiquement être concernées Zamalek et Al-Ahly pour l’Egypte, l’Espérance Tunis et l’Etoile du Sahel de Sousse pour la Tunisie, le TP Mazembe et l’AS Vita Club pour la RDC, le Raja Casablanca et le Wydad Casablanca au Maroc, Kaizer Chiefs et Mamelodi Sundows en Afrique du Sud et la JS Kabylie en Algérie.
Tous ces clubs ont déjà gagné la Ligue des champions (C1). Ce trophée va de pair avec un chèque de 2,1 millions d’euros, mais malgré plusieurs réformes et la présence de sponsors puissants tels que Total et Orange, la Ligue n’est pas considérée comme suffisamment rémunératrice. « La C1 engendre des frais importants, notamment de déplacement sur un continent très vaste, souligne Ridha Charfeddine, le président de l’Etoile du Sahel de Sousse, lauréate en 2007. Si elle ne concurrence pas les championnats nationaux, une Super Ligue permettrait de générer des recettes supplémentaires en matière de sponsoring et de droits télé, tout en mettant en valeur les joueurs. Et contrairement à ce qui s’est passé en Europe, où l’initiative venait de clubs, ici, c’est la CAF qui est à la manœuvre, il y a donc moins de risques de division. »
Ce projet ne fait cependant pas l’unanimité en Afrique, comme l’explique cet ancien membre de la CAF. « Cela pourrait enrichir les plus riches et appauvrir ceux qui souffrent déjà. De plus, où est l’équité sportive si, par exemple, le FUS Rabat est champion du Maroc, mais ne peut participer à une super ligue fermée ? Cela pourrait aussi dévaloriser la Ligue des champions, privée des meilleurs clubs, et la Coupe de la Confédération africaine de football. »
Tollé général
Le précédent européen est scruté de toutes parts. Le 19 avril, douze clubs (Real Madrid, FC Barcelone, Atletico Madrid, Liverpool, Chelsea, Manchester United, Manchester City, Arsenal, Tottenham Hotspur, Juventus Turin, Milan AC, Inter Milan) avaient annoncé la création d’une Super Ligue européenne, censée rassembler à terme vingt clubs parmi les plus riches du Vieux Continent.
Le but était de concurrencer la Ligue des champions, organisée par l’UEFA, afin de générer des revenus supplémentaires pouvant atteindre 5,1 milliards d’euros par saison, contre 2 milliards d’euros pour la Ligue des champions. Mais face au tollé général suscité par l’initiative, le projet a été abandonné trois jours après son lancement. « Nous avons suivi la tentative de certains grands clubs européens de mettre en place une telle compétition et tâcherons de tirer les enseignements de leur échec », n’a pas manqué de préciser la CAF dans son communiqué.
Alexix Billebault