Le Camerounais Samuel Eto’o, qui pris sa retraite le 6 septembre dernier, a toujours considéré qu’il était le meilleur joueur africain de l’histoire il l’a réaffirmé récemment à plusieurs médias. Et s’il avait raison ?
n’hésite jamais à dire ce qu’il pense. Quand la plupart des acteurs du football moderne tiennent des discours aseptisés et ennuyeux à rendre jaloux n’importe quel homme politique, le Camerounais s’exprime toujours sans filtre. Il l’a prouvé à de multiples reprises, et l’a de nouveau démontré heures après l’annonce officielle de sa retraite, à l’âge de 38 ans.
« Je suis un joueur unique. On doit me donner ma place. Je suis le meilleur en Afrique. (…) Les autres le savent et doivent l’accepter », a déclaré l’attaquant à nos confrères de RFI et de Voxafrica.
D’autres joueurs, comme l’Ivoirien Didier Drogba, le Ghanéen Abedi Pelé, l’Égyptien Mahmoud Al-Khatib, le Libérien George Weah, le Camerounais Roger Milla, le Nigérian Jay-Jay Okocha, l’Algérien Rabah Madjer, entre autres, pourraient dire la même chose. Certains s’en chargent d’ailleurs pour eux.
Mais s’il est toujours difficile d’établir une hiérarchie, Eto’o a tout de l’allure du vainqueur. Si certains l’affirment haut et fort, d’autres sont un peu plus nuancés. « Quand Didier Drogba, qui est un très grand joueur, a mis un terme à sa carrière, il y a un peu moins d’un an, la question de savoir si c’était le meilleur footballeur africain de l’histoire n’a pas été posée. Pour Eto’o, si », note Patrick Mboma, qui fut son coéquipier en sélection camerounaise. Voici quelques arguments qui peuvent donner raison à l’international camerounais.
• Parce que c’est un vrai buteur
En vingt-deux ans de carrière au niveau professionnel, Samuel Eto’o a inscrit environ 435 buts, dont 56 avec les Lions Indomptables. Les autres, il les a marqués surtout avec le FC Barcelone (139), Majorque (70), l’Inter Milan (53), Antalyaspor (44), ou Anji Makhatchkala (36). « Il a terminé meilleur du championnat d’Espagne en 2006 (26 buts) et de l’histoire de la CAN (18 buts). Une telle efficacité est rare. C’est un joueur extrêmement adroit devant le but », affirme Patrick Mboma.
CE N’EST JAMAIS FACILE DE DIRE QU’UN JOUEUR EST LE MEILLEUR. MAIS POUR MOI, SAMUEL ETO’O L’EST
« Au poste d’attaquant, il fait incontestablement partie des meilleurs », argumente pour sa part Pierre Lechantre, ancien sélectionneur des Lions Indomptables et champion d’Afrique, avec Eto’o, en 2000.
À titre de comparaison, George Weah a marqué 266 buts [en clubs et en sélection, ndlr], Didier Drogba 363, et Roger Milla 479, ce dernier ayant toutefois marqué notamment en Ligue 2 française, dans des championnats mineurs (Indonésie et île de la Réunion), et lors de ses débuts au Cameroun.
• Parce que son palmarès en club est impressionnant
En remportant trois fois la Ligue des Champions (FC Barcelone en 2006 et 2009, Inter Milan en 2010), Eto’o fait déjà figure d’exception. Didier Drogba ou Rabah Madjer ne l’ont gagnée qu’une fois, Weah jamais. En plus de la conquête de ces trois trophées, auxquels il a activement participé en marquant un total de 13 buts, le Camerounais a garni son CV avec trois titres de champion d’Espagne, un d’Italie, la Coupe d’Espagne puis d’Italie à deux reprises, ou encore une Coupe du monde des clubs avec l’Inter.
« Ce n’est jamais facile de dire qu’un joueur est le meilleur. Mais pour moi, Samuel Eto’o l’est, car hormis la Coupe du monde, il a presque tout gagné. Remporter la Ligue des Champions à trois reprises, avec deux clubs de la dimension de l’Inter et du Barça, ce n’est pas anodin. Dans tous les titres qu’il a glanés, il a toujours pris une part prépondérante », argumente Patrick Mboma.
Drogba, lui, a gagné 17 titres au total, mais une seule Ligue des Champions. Pour sa part, Mahmoud Al-Khatib, qui a effectué toute sa carrière à Al-Ahly Le Caire, a trusté deux fois la Ligue des Champions, trois fois la Coupe d’Europe des vainqueurs de coupe de football [ancienne compétition qui n’existe plus depuis 1998-1999, ndlr] et dix fois le championnat d’Égypte.
Mais difficile là encore de mettre au même niveau la Ligue des Champions européenne ou les championnats d’Espagne et d’Italie des années 2000, et la C1 africaine ou la D1 égyptienne d’il y a trente ou quarante ans. Quant à Milla, son palmarès, en dehors des titres obtenus au Cameroun, se limite essentiellement à l’obtention de deux Coupe de France. À sa décharge, le Vieux lion, qui avait atteint les quarts de finale de la Coupe du monde en 1990, n’a évolué dans aucun club du standing de Barcelone ou de l’Inter.
Parce qu’il a gagné la CAN à deux reprises
Au moment d’établir une hiérarchie qui ne fera de toute façon jamais l’unanimité, le palmarès continental constitue un critère essentiel. Comme Roger Milla (1984, 1988), Eto’a a gagné la CAN à deux reprises (2000 et 2002), Madjer à une reprise (1990), tandis que Drogba s’est arrêté en finale (2006, 2012) et que Weah n’avait objectivement aucune chance d’y parvenir avec une équipe aussi faible que le Liberia.
Eto’o est devenu champion d’Afrique quand la compétition se jouait à 16, alors que le Cameroun de Milla s’était imposé dans un format à huit. « Comme avec ses clubs, Samuel a pris une part importante dans la conquête de ces deux CAN, surtout en 2000 (quatre buts) », rappelle Pierre Lechantre.
« À l’époque, il était encore très jeune, et pourtant, il a tout de suite pris une importance considérable dans le collectif. Un attaquant de sa trempe, c’est un atout immense pour une équipe », poursuit le technicien français.
Eto’o n’a pas seulement gagné la CAN avec les Lions Indomptables : en 2000, il avait également quitté les Jeux olympiques de Sydney avec la médaille d’or autour du cou, après avoir battu l’Espagne en finale (2-2, 5-3 aux tirs au but). Et Eto’o avait marqué d’abord le but du 2-2, avant de réussir son penalty.
• Parce que c’est un footballeur beau à regarder
La multiplication des matches et des chaînes sportives a favorisé l’exposition de Drogba ou Eto’o hier, de Salah ou Mané aujourd’hui. Des joueurs africains des années 70 ou 80 étaient aussi d’immenses footballeurs, mais la rareté des images n’a pas toujours permis de les voir à l’œuvre.
LE MEILLEUR ? C’EST DIFFICILE À DIRE, CAR LES COMPARAISONS SONT TOUJOURS DIFFICILES. MAIS QUEL GRAND JOUEUR, TOUT DE MÊME !
« Chaque génération a connu des joueurs d’exception, dont fait partie Eto’o. Il a marqué son époque, grâce à des qualités rares chez un attaquant. Il n’a pas le même style que Drogba, que Milla ou que d’autres. Drogba était plus puissant, par exemple », note l’ancien international sénégalais Ferdinand Coly. Il est toujours difficile de dire qui est le meilleur joueur de l’histoire, que ce soit en Afrique ou ailleurs, mais je fais d’Eto’o, que j’ai affronté, un très grand ».
Le style d’Eto’o – qui a été élu meilleur joueur africain de l’année (2003, 2004, 2005 et 2010) à quatre reprises – a pu en revanche être disséqué à l’infini.
« Il appartient à la catégorie des joueurs beaux à regarder. Techniquement, il est doué. Dans ses déplacements, son placement, ses accélérations, on voit qu’il sait parfaitement utiliser ses qualités. Eto’o était un avant-centre moderne, qui participait au jeu, développe l’Algérien Rabah Madjer. Il fait partie des meilleurs footballeurs africains de l’histoire. Il a participé au rayonnement de son pays, de l’Afrique. Le meilleur ? C’est difficile à dire, car les comparaisons sont toujours difficiles. Mais quel grand joueur, tout de même ! »