Depuis l’invasion russe de l’Ukraine, le blé, le maïs, le colza et l’huile de tournesol ne quittent plus les ports de la mer Noire. Les prix flambent. De nombreux pays africains dépendaient des deux pays, exportateurs majeurs de céréales. Les prix des engrais subissent également une hausse qui aura des conséquences sur les productions locales.
Une augmentation des prix généralisée
Les pays africains produisent entre 22 et 25 millions de tonnes de blé et en importent près de 55, dont plus de la moitié va en Afrique du Nord. La consommation de farine de blé a beaucoup augmenté ces dernières années, en particulier dans les villes africaines. « La farine de blé présente l’avantage d’être facilement panifiable à la différence d’autres céréales locales comme le sorgho ou le millet », affirme Matthieu Brun, directeur scientifique de la Fondation pour l’agriculture et la ruralité dans le monde (Farm).
Avec le conflit en Ukraine, les prix flambent et pas seulement ceux du blé. Cette hausse s’est déjà transmise à toutes les céréales de substitution y compris le riz. A cela s’ajoute l’augmentation des prix du gasoil et du gaz. « Comme en 2008, les prix de l’énergie ont augmenté, entraînant une augmentation du prix des produits alimentaires », affirme Franck Galtier, chercheur en économie politique au Centre de coopération international en recherche agronomique pour le développement (Cirad).
Doublement du prix des engrais
Par ailleurs, la Russie est le premier exportateur mondial d’urée, le deuxième de potasse et d’ammoniac, nécessaires à la production d’engrais. La hausse des cours du gaz naturel renchérit déjà la production d’ammoniac. Avec les prix des engrais multipliés par presque deux depuis l’été 2021, il y aura des conséquences sur les productions locales. En 2020, les pays d’Afrique subsaharienne ont importé 5,6 millions de tonnes de fertilisants azotés. L’Afrique du Sud, l’Ethiopie, le Malawi et le Kenya sont les principaux importateurs. Le Nigeria est le seul pays en Afrique de l’Ouest à en produire.
« Dans certains pays, les producteurs devront absorber le coût de l’augmentation des intrants, s’ils le peuvent, quand ailleurs d’autres n’auront d’autre choix que d’en acheter moins, ce qui aura des conséquences sur les rendements de certaines cultures. »
Matthieu Brun, directeur scientifique de la Farm
Fondation pour l’agriculture et la ruralité dans le monde
La production en baisse au Sahel
Aux conséquences de la guerre en Ukraine s’ajoutent celles des attaques jihadistes au Sahel qui entraînent des déplacements massifs de populations et une baisse des productions agricoles. Au Niger, la récolte de céréales a enregistré en 2021 une chute de près de 40%, au Mali de 15% et au Burkina Faso de 10%.
Les pays africains doivent, plus que jamais, mettre en place des politiques agricoles actives pour se rapprocher d’une certaine souveraineté alimentaire. Et ce, alors que la part des importations dans la consommation est passée de 10% en 1975 à 25% aujourd’hui, essentiellement en raison de l’augmentation de la population urbaine.
Le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) a lancé ces derniers jours un cri d’alarme. « C’est une crise sans précédent pour le continent », a souligné l’économiste en chef du Pnud Afrique, Raymond Gilpin. « Nous voyons la possibilité de tensions dans les points chauds comme le Sahel, certaines parties de l’Afrique centrale et la corne de l’Afrique », a-t-il déclaré.
Source : France info