Bamako espérait une levée des sanctions régionales. Samedi, le ministre des Affaires étrangères du Mali, Abdoulaye Diop, et son collègue de l’Economie, Alousseni Sanou, ont plaidé en ce sens. Ce dernier a présenté un bilan lucide des difficultés actuelles de son pays mais les dirigeants ouest-africains ont reporté leur décision au prochain sommet de la Cedeao, le 3 juillet. Plusieurs chefs d’Etat, dont ceux du Niger, du Nigeria, de la Côte d’Ivoire et du Ghana, sont restés fermes à l’égard de la junte. Ils exigent une transition de quinze à dix-huit mois. Bamako a fait un geste, lundi, en proposant un chronogramme de vingt-quatre mois (à compter de mars dernier).
« Derrière le geste souverain (le Mali choisit tout seul son calendrier), les colonels au pouvoir savent que leur fuite en avant va mal se finir en raison de dissensions dans les rangs de l’armée, confie un diplomate en poste à Bamako. Ils cherchent maintenant toute solution de compromis sans se renier ouvertement. Ça va être très compliqué socialement et économiquement dans les prochains mois. » Afin d’honorer les salaires, les autorités ont déjà suspendu une partie du remboursement de la dette publique, notamment auprès de la Banque mondiale. Les bailleurs de fonds, dont la plupart ont arrêté leurs financements hors aide humanitaire, contribuent à hauteur de 20 % au budget national.
Officiellement, les fondamentaux ne sont pas si catastrophiques. Selon le Fonds monétaire international (FMI), la croissance sera de 2 % en 2022. Mais de nombreux analystes contestent ces chiffres et parlent d’un pays en récession depuis 2020. Les exportations d’or vers l’Afrique du Sud sont les principaux pourvoyeurs de devises. L’Etat a des intérêts dans les groupes miniers et prélève des impôts. La campagne cotonnière 2021/2022 a connu une production record de près de 800 000 tonnes, permettant au Mali de retrouver la première place sur le continent. Mais, du fait des sanctions, le pays a énormément de difficultés à écouler son coton dont une partie à commencer à pourrir sur place. Les autorités tentent de le faire embarquer depuis la Guinée et la Mauritanie. Mais la manutention portuaire est plus longue.
Le pays a énormément de difficultés à écouler son coton dont une partie à commencer à pourrir sur place. Les autorités tentent de le faire embarquer depuis la Guinée et la Mauritanie. Mais la manutention portuaire est plus longue
L’économie est largement privée d’accès au marché régional, le commerce extérieur s’est effondré, et la consommation est en berne car le pouvoir d’achat de la population est en forte baisse en raison d’une inflation élevée, à 8 %. Les investisseurs étrangers ne répondent plus présent. Ils sont privés de visibilité en raison d’incertitudes sur l’évolution de la situation politique et sécuritaire, sur la capacité de l’Etat à honorer ses engagements internationaux et à répondre à leurs besoins énergétiques. Les indicateurs macroéconomiques se détériorent. Le ratio dette publique/PIB est de 53,4 % (52,1 % en 2021), le service total de la dette représente 37,6 % du budget de l’Etat hors dons (26,7 % en 2021). Le niveau de réserves de changes n’est plus que de cinq mois d’importations de biens et services.
Aide d’urgence. « Le moral des chefs d’entreprises est au plus bas, confirme Mamadou Sinsy Coulibaly, président du Conseil National du Patronat du Mali (CNPM). Les problèmes des sur- et sous-tensions électriques, ajoutés aux nombreux délestages, abîment l’outil industriel, les banques ont réduit leurs crédits, les matières premières importées depuis les ports d’Abidjan et de Dakar sont beaucoup plus chers en raison de la corruption douanière (NDLR : les marchandises passent clandestinement en raison des sanctions). Parallèlement, les régies financières de l’Etat accroissent la pression fiscale pour trouver des liquidités. »