Face au «repositionnement» des passeurs de migrants sur sa côte Nord, le Maroc appelle ses partenaires européens «à s’associer à ses efforts de lutte contre les réseaux de trafic» en Méditerranée, a déclaré Khalid Zerouali, du ministère de l’Intérieur dans un entretien avec l’AFP.
Depuis la fermeture progressive des routes orientale (Turquie-Grèce) et centrale, via la Libye (ou la Tunisie) et l’Italie, le Maroc «a senti une forte pression migratoire» et a vu «les réseaux transférer leurs activités au niveau du nord» du pays, a déclaré le Wali (préfet) en charge de l’immigration et de la surveillance des frontières.
200 millions d’euros minimum pour le seul littoral Nord
Depuis le début de l’année, «on en est à plus de 80 réseaux démantelés, dont 23 pour le seul mois d’août», a-t-il précisé en affirmant que ce chiffre illustrait le «repositionnement géographique des passeurs» vers le nord du Maroc.
Selon lui, le Maroc est «le seul pays d’Afrique du Nord qui a un dispositif le long du littoral Nord», avec un contingent terrestre de plus de 13.000 hommes «équipés de moyens colossaux» entre Saïdia, à la frontière algérienne et Kenitra, au nord de Rabat.
Pour le seul littoral Nord, ce dispositif «représente un coût annuel qui avoisine les 200 millions d’euros minimum», auquel s’ajoutent les moyens déployés au sud du pays, au bord de l’Atlantique et le long de la frontière avec l’Algérie, a dit le haut responsable sans autres précisions.
«Nous avons l’expertise, nous avons la capacité de lutter, mais nous devons être assistés» face à «la nouvelle pression migratoire qui se profile sur la côte Nord», a-t-il dit en souhaitant «un véritable programme de coopération en matière de contrôle des frontières».
«Depuis une décennie, le Maroc a réussi à tarir les flux sur la route migratoire: on est passé de 2004 à mi-2015 à -93%», concernant les passages vers les côtes espagnoles, a-t-il insisté en soulignant que le pays avait «lutté seul avec ses propres moyens».
Depuis le début de l’année, l’Espagne est cependant redevenue la première porte d’entrée vers l’Europe, avec près de 38.000 arrivées par voie maritime et terrestre, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).
Jusqu’à présent, la grande majorité des migrants – soit subsahariens, soit marocains – arrivait par bateau, dans des embarcations de fortune ou des petits bateaux affrétés par les passeurs.
Signe de l’évolution des modes opératoires, le Maroc est depuis peu confronté au «phénomène» des go-fast pour le transport de migrants, alors que «ces puissants bateaux à moteurs étaient jusque là utilisés pour le trafic de drogue en Méditerranée», comme l’a dit M.Zerouali au cours de son entretien avec l’AFP.
La nouvelle stratégie des passeurs
La Marine royale marocaine a ouvert le feu le 25 septembre sur un go-fastpiloté par un Espagnol qui a refusé de répondre aux sommations dans les eaux marocaines au large de M’diq-Fnideq (Nord). Une Marocaine de 22 ans, touchée par les tirs, a succombé à ses blessures à l’hôpital et trois autres migrants marocains ont été blessés, selon le bilan des autorités locales marocaines.
«Le crime transfrontalier est une logistique, c’est un crime qui ne se spécialise pas», a souligné le directeur de la migration à l’AFP en soulignant que la violence des derniers assauts lancés sur les barrières qui séparent les enclaves espagnoles de Ceuta et Mellila du Maroc relevait aussi d’une nouvelle stratégie des passeurs.
C’est en réponse à «l’agressivité» de cet assaut que les autorités marocaines ont lancé ces dernières semaines une vaste opération de déplacements de migrants vers le sud du pays, a précisé M.Zerouali.
Le Maroc a parallèlement développé ces dernières années une politique de régularisation des clandestins, avec environ 50.000 régularisations depuis 2014, a-t-il encore rappelé.
Sa politique de retour volontaire a par ailleurs permis de rapatrier entre 2.000 et 3.000 personnes depuis le début de l’année, avec également «quelques retours forcés pour des « éléments dangereux » qui sont escortés à la frontière», a-t-il dit sans autre précision.
Retrouvez cet article sur GÉOPOLIS Afrique