À la Cour pénale internationale, les avocats de l’ancien président ivoirien ont tenté de convaincre de l’absence de preuve contre leur client. Après un mois et demi d’interruption, les audiences visant à étudier la demande de non-lieu dans ce dossier ont repris ce lundi.
Voilà des mois que les avocats de Laurent Gbagbo se préparent à ces audiences. Depuis qu’en juillet, ils ont demandé à la Cour pénale internationale à plaider le non-lieu, une requête acceptée par les juges. Ces dernières semaines, elle avait terminé d’affûter ses arguments. Après que le bureau du procureur a défendu son dossier, début octobre, et présenté un millier de pages d’arguments, la défense avait demandé un nouveau délai pour les étudier.
Très rare – elle n’a eu lieu qu’une fois, dans l’affaire du vice-président kényan William Ruto -, cette procédure intervient alors que les avocats de l’ancien président ivoirien n’ont pas encore présenté leurs témoins et leurs contre-arguments. Pour eux, cela n’est pas nécessaire. En deux ans et demi de procès qui ont vu défiler 82 témoins du procureur, où des milliers de pages ont été étudiées, des heures de vidéos projetées, l’accusation n’est pas parvenue à démontrer qu’elle avait des preuves, argue la défense. C’est ce qu’elle s’est employée à développer durant toute cette journée de lundi.
« L’enjeu c’est la liberté d’un homme présumé innocent »
« Après sept années de prestidigitation de la part de l’accusation, les ficelles des tours de magie apparaissent au grand jour », a déclaré Maître Agathe Bahi Baroan, l’une des conseils de l’ancien président Laurent Gbagbo. Après un long déroulé quelque peu lyrique sur la vie en Côte d’Ivoire, où l’avocate ivoirienne de Laurent Gbagbo est revenue sur les « cours familiales » et les « gbakas » [mini-bus], qui illustrent selon elle le vivre-ensemble ivoirien, elle a argué que le dossier du procureur « méconnaissait profondément » les réalités du pays. « Les Ivoiriens sont des gens simples, joyeux et ouverts », a-t-elle déclaré, avant de regretter que « l’accusation continue de servir des récits qui ne correspondent en rien à la réalité. » Tout a été construit « sur des sables mouvants, et on sait dans ces cas là ce qui arrive à l’édifice. »
L’ENJEU C’EST LA LIBERTÉ D’UN HOMME PRÉSUMÉ INNOCENT. UN HOMME CONTRE LEQUEL RIEN DE CONVAINCANT N’A ÉTÉ OPPOSÉ
Avant elle, Maître Emmanuel Altit avait dénoncé les méthodes du Procureur. La défense estime que l’accusation a été incapable de rassembler des preuves. « La seule solution qu’a trouvé le Procureur, c’est d’inventer une autre réalité. Il tente de démontrer que pendant la crise ivoirienne il y avait une structure parallèle en le postulant mais il n’a trouvé personne allant dans ce sens. Il n’a trouvé personne allant dans le sens d’un plan commun », a développé l’avocat principal de Laurent Gbgbo. « La question n’est pas de savoir si les éléments de preuve sont convaincants mais si le procureur dispose de preuve. La réponse est non », a-t-il déclaré, cinglant. « L’enjeu c’est la liberté d’un homme présumé innocent. Un homme contre lequel rien de convaincant n’a été opposé », a-t-il conclu.
Arrêté après des mois de combats et de différents post-électoraux dans la résidence présidentielle de Cocody en avril 2011, Laurent Gbagbo a été transféré au pénitencier de la Cour pénale internationale sept mois plus tard. L’ex-chef d’État est jugé pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité depuis janvier 2016. Alors que sa femme, Simone Gbagbo, a été amnistiée en août dernier par le président ivoirien Alassane Ouattara, les soutiens de l’ancien couple présidentiel veulent croire à la libération imminente de leur leader. Les audiences se poursuivront mardi 13 et mercredi 14 novembre.