La Cour suprême du Venezuela, contrôlée par le régime du président chaviste Nicolas Maduro, a demandé lundi 1er avril 2019, la levée de l’immunité parlementaire du chef de file de l’opposition Juan Guaido, un rebondissement aux conséquences imprévisibles dans un pays plongé dans le chaos.
Dans un arrêt rendu lundi, la plus haute juridiction vébnézuélienne a demandé au président de l’Assemblée nationale constituante « de lever l’immunité parlementaire » de M. Guaido, reconnu président par intérim par une cinquantaine de pays.
La Cour suprême et l’Assemblée constituante sont jugées comme acquises au pouvoir en place par l’opposition, tous leurs membres ayant été désignés par le chavisme, du nom du défunt Hugo Chavez (1999-2013).
Il est reproché à Juan Guaido, qui est le président du Parlement vénézuélien contrôlé par l’opposition, de ne pas avoir respecté une interdiction de sortie du territoire.
L’opposant de centre-droit de 35 ans avait bravé cette décision prise le 29 janvier par la Cour suprême en quittant clandestinement le pays pour effectuer une tournée en Colombie voisine, au Brésil, au Paraguay, en Argentine et en Equateur, de fin février à début mars.
Ce rebondissement intervient alors que Nicolas Maduro et son principal opposant se disputent le pouvoir depuis le début de l’année dans un Venezuela sous tension à cause des pannes de courant à répétition et où l’eau courante manque cruellement.
Signe de cette fébrilité, le président a changé lundi soir de ministre de l’Energie. « J’ai décidé de nommer un travailleur de l’industrie électrique avec 25 ans d’expérience, un ingénieur qui a eu de nombreuses responsabilités (…) Igor Gavidia Leon », a déclaré sur les médias officiels le chef de l’Etat, qui limoge ainsi le général à la retraite Luis Motta Dominguez, en poste depuis août 2015.
Si la décision de la Cour suprême pourrait, en théorie, aboutir à la présentation devant la justice ordinaire de Juan Guaido, il est difficile d’anticiper ses conséquences concrètes dans ce pays où personne ne reconnaît la légitimité de personne.
Ces dernières semaines, plusieurs sanctions du pouvoir vénézuélien ont visé le chef de file de l’opposition.
Jeudi, le Contrôleur général de la République, Elvis Amoroso, chargé de veiller à la transparence de l’administration au Venezuela, l’a déclaré inéligible pour 15 ans.
Selon M. Amoroso, jugé proche du pouvoir en place, l’opposant n’a pas justifié, dans ses déclarations de patrimoine, certaines dépenses réalisées au Venezuela et à l’étranger avec des fonds provenant d’autres pays.
La sanction de jeudi a été jugée illégale par Juan Guaido et « ridicule » par Washington. Les Etats-Unis ont déjà mis en garde Caracas à plusieurs reprises contre toute représaille à l’encontre de celui qu’ils considèrent comme le chef de l’Etat légitime du Venezuela.
Visé par une enquête préliminaire, notamment pour « des actions ayant porté atteinte à la paix de la République », le chef du Parlement avait été soumis le 29 janvier à une « interdiction de sortir du pays sans autorisation jusqu’à la fin de l’enquête » et un « gel de (ses) comptes bancaires », avait annoncé le président de la Cour suprême, Maikel Moreno.
Alors que de nombreux Vénézuéliens sont descendus dans la rue, bravant la répression de la police et des groupes armés proches du pouvoir, pour exprimer leur exaspération en tapant sur des casseroles, les autorités ont décrété dimanche un rationnement de l’électricité pour 30 jours, la suspension des cours dans les écoles et la réduction de la journée de travail.
Les coupures sont dues à des « attaques terroristes » dans le cadre d’une « guerre électrique déclenchée pour rendre fou le pays », a de nouveau accusé le président Maduro. Ce sont ces sabotages qui, selon lui, affectent la centrale hydroélectrique de Guri, qui fournit au Venezuela 80% de son électricité.
L’opposition et des experts du secteur estiment que ces coupures de courant à répétition sont dues au manque d’investissements dans les infrastructures.
Outre les coupures d’électricité, le Venezuela souffre de graves pénuries de toutes sortes, que Nicolas Maduro attribue aux sanctions financières imposées par Washington. Selon l’ONU, près d’un quart des 30 millions de Vénézuéliens ont besoin d’une aide humanitaire « urgente ».
Le 23 janvier, à la surprise générale, Juan Guaido, président du Parlement, unique institution aux mains de l’opposition, s’est déclaré président par intérim du Venezuela.
Plus d’une cinquantaine de pays dont les Etats-Unis l’ont reconnu comme tel, estimant illégitime le deuxième mandat de Nicolas Maduro après des élections considérées comme frauduleuses.
M. Maduro, qui dénonce une tentative de coup d’Etat orchestrée par l’opposition avec le soutien de Washington, est soutenu par la Russie et la Chine.
Source : AFP