Si la libération des prisonniers politiques étaient reclamée par tous les Ivoiriens en vue d’une véritable reconciliation nationale, sa réalisation effective sonne la fin du régime Ouattara et l’avènement d’une nouvelle ère ponctuée par une probable alliance entre le Front populaire ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo et le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) de Henri Konan Bédié.
Recomposition du paysage politique
Il ne faut pas être grand clerc pour saisir les conséquences du coup de poker d’Alassane Ouattara relatif à la libération de 800 prisonniers politiques dont Simone Gbagbo, l’ex-première Dame et les ministres Lida Kouassi et Assoa Adou le 6 août 2018 à la faveur d’une amnistie. Le chef de l’Etat, au crépuscule de sa carrière politique et le dos au mur face aux pressions internationales ainsi que le vent de mécontentement qui couvait sur des braises ardentes, n’avait autre alternative pour sortir par la grande porte. Le prix à payer, c’est le retour en grâce de Simone Gbagbo qui insuffle un souffle nouveau aussi bien à sa formation politique, le FPI qu’au peuple ivoirien. Tant de mépris affiché à son encontre, a finalement le mérite de rappeler une évidence : le couple Gbagbo, dont le leadership est décuplé et ne cesse de gagner en gâlon, constitue le ciment de l’unité nationale. L’erection du domicile du couple Gbagbo en lieu de pélérinage pour tous les partis politiques traduit cette assertion. Kouadio Konan Bertin dit KKB, Jean-Louis Billon, Anacky Kobena, Gnamien Konan, Mamadou Koulibaly et même Salimata Porquet (proche du parti au pouvoir)… se succèdent en nombre à la résidence de celle qui est devenue en quelques semaines la personnalité politique la plus visitée en Côte d’Ivoire. La présence du secrétaire exécutif du PDCI Maurice Kakou Guikahué suffit pour comprendre le début d’une véritable reconciliation et par ricochet la fin de l’ère Ouattara. Sur les épaules de Simone Gbagbo, reposent les espoirs de l’unité dans son parti et la fin de la parenthèse lourde de larmes, de sueur et de sang.
La fin de l’épopée Ouattara
Par-dessus la nouvelle carrure de Simone Gbagbo sur les berges de la lagune Ebrié, le divorce du couple Bédié-Ouattara, jeudi 9 août 2018, après treize ans de compagnonnage, confirme l’ésseulement du parti à la case verte. Douche froide et silence radio pour les paons de la Cour, écumeurs du fantasme de mourir au pouvoir d’Etat. Seul le désormais vice-président du RDR, Amadou Soumahoro, sort du bois et tente de donner de la voix. « Le RDR n’est pas effrayé par le rapprochement entre le PDCI et le FPI », a confié l’ancien secrétaire général du parti de Alassane Ouattara au confrère Alerte Info, dimanche 2 septembre 2018. Mais si certains ne l’ont pas encore compris dans la case verte, le temps de l’arrogance est fini. L’herbe piquante de la défaite risque de carresser les postérieurs au RHDP durant les prochaines élections locales.
Résistance du Camp Ouattara
Alassane Ouattara qui a eu le courage de reparer son tort doit aller au bout de cette décrispation politique. C’est-à-dire franchir des palliers supérieurs tels que la reforme de la Commission électorale indépendante (CEI), la libération des prionniers militaires, voire l’annulation de la condamnation de Laurent Gbagbo à 20 ans d’emprisonnement dans son pays. Sinon ses décisions courages du 6 août risquent d’être un leurre.
En lieu et place d’assumer ces décisions courageuses, Alassane Ouattara semble ruser avec les Ivoiriens. Le chef de l’Etat tarde à prendre un décret en vue de reformer la CEI dont il reconnait l’illégalité. Pis, les actuels occupants du palais présidentiel d’Abidjan usent de perfidie pour retenir des ministres issus du PDCI sous la coupole du RHDP bien que Bédié, président de cette formation politique ait claqué la porte du RHDP le 9 août 2018. Ils ne s’embarassent plus de fioriture pour garder honteusement le logo du PDCI au sein de celui du RHDP, certainement pour tromper certains électeurs. Craignant de perdre leurs postes minitériels, des ministres issus du PDCI, s’embourbent dans cette duplicité. Partagés entre suivre le président de leur parti et démissionner ou rester dans le gouvernement aux côtés d’Alassane Ouattara, ces ministres figurent sur deux listes désormais distinctes PDCI et RHDP. Ce sont Danho Paulin, François Amichia, Aka Aouélé, Alain Richard Donwahi, Patrick Achi, Félix Anoblé. Quant à Daniel Kablan Duncan, Vice-président de la République, Théophile Ahoua N’doli, Inspecteur général d’Etat et Robert Beugré Mambé, Gouverneur du District d’Abidjan, ils sont perçus comme des pro-Ouattara. Pis Kobenan Kouassi Adjoumani et Amédé Kouakou Koffi ont décidé de créer un courant au sein du PDCI qu’ils ont batipsé ‘‘Sur les traces d’Houphouet-Boigny’’. Derniers saubressauts d’un régime au soir de son apogée. Il n’empêche que certains candidats aux élections locales ont compris que l’étiquette RHDP les conduirait à coûp sûr à l’échec. C’est le cas du député Evariste Méambly et du sénateur Sah Evariste. Après avoir accepté l’étiquette RHDP, tous deux se sont retractés à la dernière minute.
Le jeu des alliances
Car sur le terrain, l’alliance FPI-PDCI a le vent en pourpe. Les deux partis multiplient les rencontres. La jeunesse de la plateforte de l’opposition Ensemble pour la Démocratie et la Souveraineté (EDS) annonce un meeting samedi 15 septembre 2018 à Abidjan pour obtenir la libération des prisonniers politiques et la reforme de la CEI.
Incertitudes
Les cartes rebattues, rien n’est encore fait, le suspense reste entier. La probable unité du FPI et le cas Guillaume Soro restent deux grandes énigmes. Le pardon et la réconciliation prônées par Simone Gbagbo passe inexorablement par l’unité de son parti, la paix avec Affi N’guessan. En ce qui relève de Guillaume Soro, depossédé de son statut de chantre de la réconciliation dès la libération de Simone Gbagbo, ses ambitions présidentialistes ne font l’ombre d’aucun doute. Le puzzle n’est certs pas encore complet. Mais ce n’est plus qu’une question de temps. Une probable libération de l’ex-président Laurent Gbagbo et son ministre de la jeunesse Charles Blé Goudé pourrait totalement inverser la tendance et précipiter le déclin du régime Ouattara.
Cyrille NAHIN