« Je suis venu pour gagner! », lance Cheick Kamagate, qui espère bien remporter le tournoi de PES, un jeu de foot, lors du deuxième Festival de l’électronique et du jeu vidéo d’Abidjan (FEJA), une manifestation pour promouvoir l’industrie du jeu vidéo en Afrique.
Ce bachelier ivoirien de 19 ans, qui joue « trois à quatre heures par jour », aimerait s’acheter du matériel de jeu avec la prime allouée au vainqueur du tournoi. « Si je peux, je travaillerais dans le jeu vidéo comme développeur, c’est ma passion, mais plutôt aux Etats-Unis », déclare ce futur étudiant en informatique.
L’Afrique n’est encore qu’un marché nain pour le jeu vidéo: un milliard de revenus par an, soit 1% du marché mondial, selon des études menées par des grands cabinets conseils internationaux et l’opérateur de télécoms Orange. Ses principaux marchés sont l’Egypte, le Nigeria et l’Afrique du Sud.
Mais le continent est un marché prometteur, grâce à sa vitalité démographique, sa jeunesse et sa soif de nouvelles technologies: un demi-milliard de jeunes de moins de 25 ans, autant de personnes connectées à internet, et aussi un milliard d’abonnés au téléphone mobile, dont la moitié jouent sur leurs smartphones, relève Serge Thiam, consultant spécialisé.
« Le jeu vidéo représente un avenir pour les jeunes en Afrique, c’est une source de nouveaux emplois, un moyen de gagner sa vie », affirme Sidick Bakayoko, créateur de la société ivoirienne Paradise Games et fondateur du FEJA.
Le festival, organisé sur trois jours de vendredi à dimanche, se veut plus qu’un tournoi, il ambitionne d’expliquer aux jeunes comment fonctionne l’industrie du jeu vidéo, quels métiers ce secteur propose et comment s’y former.
Pour attirer le public, des « gamers » (joueurs professionnels) d’une dizaine de pays africains ont été invités pour disputer, aux côtés des jeunes Ivoiriens, les différents tournois de jeux d’aventure ou de e-sport.
– Miser sur les cultures africaines –
Si l’envie et l’enthousiasme sont là, les moyens financiers font défaut en Afrique, reconnaît cependant Sidick Bakayoko. Les jeunes manquent d’argent pour acheter des jeux et « le modèle économique reste à trouver ».
Aucune donnée n’est disponible sur le nombre d’emplois total actuellement générés par le jeu vidéo en Afrique.
Environ 300 studios de développement de jeux vidéo existent sur le continent, mais il s’agit de micro-entreprises, qui emploient moins de cinq personnes, précise Sidick Bakayoko. Avec quelques success stories comme le studio camerounais Kiroo dont le jeu « Aurion » (jeu d’aventure où un roi déchu essaie de regagner son trône) a percé à l’international.
Plusieurs studios commencent à émerger aussi à Madagascar et en Centrafrique, selon M. Bakayoko, pour qui l’Afrique doit miser sur sa richesse culturelle pour se différencier.
Le point commun entre « Aurion », « Dahalo » développé par le studio malgache Lomay, ou « A boy in savannah » du créateur togolais Pio Jules Tchedou: ils mettent en avant les cultures de leurs pays, dans un monde dominé par les jeux occidentaux ou asiatiques.
Un engagement largement salué par les joueurs présents sur le FEJA.
« J’aimerais bien créer un jeu d’aventure inspiré de Soundiata Keïta », souverain mandingue et fondateur de l’empire du Mali au XIIIe siècle, explique Elie Kouadio Kouamé, un étudiant en infographie de 24 ans et gamer de PES.
Belko Diallo, un gamer burkinabè de 22 ans venu disputer le tournoi de Street Fighter (jeu de combat), voit plus loin. Cet étudiant en médecine « rêve de combiner la médecine et le jeu vidéo, en utilisant certains technologies des jeux vidéo pour des examens médicaux ».