Pour le Congo-Brazzaville, les Pandoras Papers ont révélé, qu’entre 1998 et 2018, le président Sassou- Nguesso avec sa société Escom Congo avait détourné près de trois milliards de dollars de revenus miniers alors que les Congolaises accouchent à même le sol et que la mortalité infantile emporte 44‰ des nouveau-nés, la moyenne mondiale est de 37‰. Pour comparaison, la dette extérieure du pays est estimée à huit milliards de dollars.
Des mafias implantées au cœur de l’administration
Au Tchad, pays producteur de pétrole depuis 2004, malgré des revenus pétroliers colossaux, près de 676 millions de dollars en 2018 selon l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (Itie), la population croupit dans la pauvreté et le noir. Le pays est l’un des moins électrifiés au monde avec seulement 12 % de la population ayant accès à une énergie régulière. Le décès d’Idriss Déby n’y a rien changé, le pouvoir reste la chose privée de la famille de l’ancien président. Le Covid-19 a été une occasion de brutalité et de répression avec la multiplication des abus policiers et l’implication intéressée de la fondation Grand Cœur, association de la première dame Tchadienne.
Au Cameroun, la jeunesse est un prétexte pour tous les discours présidentiels et des ministres de Paul Biya avancent parfois des chiffres erronés et optimistes en matière de chômage et d’emploi les concernant. Mais à y regarder de près, cette jeunesse est la couche la plus négligée et abandonnée qui doit se livrer au secteur informel dont ils font la force ou à des activités politiques de second plan. Sur le front de la lutte contre la pandémie du Covid-19, le détournement de fonds a été la règle et les contraintes sanitaires ont augmenté la précarité des populations. Les restrictions Covid-19 ont été une occasion d’enrichissement pour des mafias implantées au cœur de l’administration au détriment de la population.
Source de détournement et structures européennes
L’Afrique centrale est la région avec la plus grande concentration de régimes kleptocratiques autoritaires, mais les individus ne comprennent souvent pas pleinement comment la kleptocratie affecte leur vie quotidienne et les services publics qu’ils reçoivent. Faire dormir des femmes enceintes à même le sol, étudié dans la rue à la lumière des lampadaires, c’est inacceptable ! Les citoyens méritent mieux et doivent l’exiger fermement et pacifiquement.
La lutte contre la corruption devrait concerner aussi bien la source de détournement mais aussi les structures en Europe qui l’ont facilité et y ont participé. Le sommet doit penser un cadre préventif et une inspection systématique dans les pays à définir comme à risque. Nous proposons l’établissement d’un Foreign Agents Registration Act (Fara) à l’européenne pour rendre obligatoire et publique la divulgation des actions d’opérateurs européens en faveur d’Etats et d’agents étrangers.
Le registre permettra de savoir pour qui, comment, pourquoi, quand et pour combien des opérateurs européens agissent dans l’intérêt d’agents étrangers. Cette transparence pourrait être aussi étendue au registre de commerce pour étendre l’accès à l’information sur la propriété effective d’entreprises et de biens souvent mal acquis. Il serait dans cette logique cohérent d’imposer lors d’un achat dans l’Union européenne par une structure étrangère le dépôt des statuts révélant qui est son propriétaire réel. Il est inconcevable de vouloir améliorer la gouvernance et renforcer la démocratie ailleurs quand, des SCI basées à Brazzaville, à Douala ou à N’Djamena peuvent se rendre propriétaires de multiples appartements en Europe sans qu’il ne soit possible de déterminer qui est le propriétaire réel par les autorités judiciaires.
Paul-Joël Kamtchang Adisi Cameroun, Delphine Djiraibe Public Interest Law Center Tchad (PILC), Andrea Ngombet Collectif Sassoufit, République du Congo sont les membres fondateurs de Opening Central Africa, une coalition d’ONG qui lutte contre la kleptocratie.