Président du conseil régional du Gbêkê (centre) et vice-président du PDCI, Jacques Mangoua a été placé sous mandat de dépot lundi soir. Des munitions et une quarantaine de machettes avaient été retrouvées à son domicile. Il sera jugé jeudi. Retour sur le parcours de ce proche d’Henri Konan Bédié qui fit une partie de sa carrière dans l’industrie cacaoyère.
Jacques Mangoua a passé la nuit du lundi 30 septembre dans une cellule de la Maison d’arrêt de Bouaké. Interpellé vendredi soir, le président du conseil régional du Gbêkê « a été placé sous mandat de dépôt pour détention illégale de 991 munitions d’armes de guerre, 49 munition de fusil calibre 12 et 40 machettes », explique à Jeune Afrique le procureur de Bouaké, Bramane Koné. « Jacques Mangoua n’a pas été en mesure de justifier de la présence de ces armes. C’est une infraction matérielle. Nous avons donc ouvert une procédure de flagrant délit », précise le procureur. L’audience aura lieu ce jeudi 3 octobre.
Perquisition en son absence
Les armes en question avaient été découvertes le 21 septembre par le gardien du domicile de Mangoua, une propriété d’1 hectare située N’Guessankro, son village natal dans le département de Béoumi, à 60 kilomètres à l’ouest de Bouaké. Une perquisition avait ensuite lieu en l’absence de l’intéressé – en déplacement à Abidjan -, mais en présence de son frère, du chef de tribu et du gardien.
Dans un communiqué daté du 29 septembre, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) avait évoqué une détention arbitraire et exigé sa libération. Ses proches ont dénoncé un complot politique, certains expliquant que Mangoua avait reçu des pressions ces dernières semaines.
Lors de son interrogatoire, Jacques Mangoua a indiqué ne pas savoir comment ces armes s’étaient retrouvées chez lui. Il a également expliqué avoir reçu des menaces par SMS venant de fournisseurs mécontents de ne pas avoir été payés. « Attendez de voir ce qui va vous arriver dans les prochains jours », peut-on lire dans un message du 7 septembre. Mangoua a porté plainte contre X le 26 septembre, la veille de sa convocation devant la justice.
« La plainte est instruite et nous travaillons pour découvrir l’identité du numéro auteur de la menace. Mais pourquoi ne pas avoir signalé cela plus tôt ? », s’interroge le procureur Koné.
Homme discret proche de Bédié
EN AVRIL 2018, QUAND HENRI KONAN BÉDIÉ S’ÉTAIT RENDU AU GHANA À L’INVITATION DU ROI DES ASHANTIS, JACQUES MANGOUA FAISAIT PARTIE DE LA DÉLÉGATION
Âgé de 64 ans, Jacques Mangoua est un cadre du parti dirigé par Henri Konan Bédié dont il a intégré le bureau politique en 1994. Il est l’un des vice-présidents du parti depuis 2013. Doté d’importants moyens, il finance régulièrement ses activités. C’est l’homme fort du parti dans cette région.
Personnage discret, c’est un proche du sphinx de Daoukro. En avril 2018, quand l’ancien président s’était rendu au Ghana à l’invitation du roi des Ashantis – une visite hautement symbolique -, il faisait partie de la délégation.
Mangoua commença sa carrière à la Compagnie Ivoirienne du développement du Textile (CIDT, basée à Bouaké) où il évolua pendant plus de 15 ans avant de créer sa propre entreprise d’exportation de produits agricole. Président du conseil général de Béoumi en 2002, il fut le témoin privilégié de l’arrivée de la rébellion des forces nouvelles (FN) et de ses conséquences désastreuses sur la coexistence entre les différentes communautés.
Carrière dans le cacao et soupçons de détournements

Pépinières de la coopérative cacaoyère « Que Luz » (CECAB), à Sao Tome. © Vincent Fournier/Jeune Afrique-REA
EN 2008, IL FIT LES FRAIS DU VASTE COUP DE BALAI DANS LA FILIÈRE MENÉ PAR LAURENT GBAGBO
Magnat du cacao, il occupa plusieurs postes de responsabilités dans la filière. Il fut vice-président de la bourse du café-cacao et président de l’union des exportateurs. En 2008, il fit les frais du vaste coup de balai dans la filière mené par Laurent Gbagbo. À l’époque, une trentaine de barons avaient été accusés d’avoir détourné une grande partie des fonds destinés à aider les producteurs depuis 2001.
Jacques Mangoua dirigeait alors le Fonds de garantie des coopératives café-cacao (FGCCC), une structure privée, dont l’État détenait 10 %, qui servait à garantir les prêts bancaires des opérateurs ivoiriens. Le FGCC était suspecté d’avoir financé des coopératives inexistantes.
Arrêté en juin 2008, il avait été remis en liberté provisoire en mai 2010 pour raisons de santé. Le procès des barons de la filière, pour de détournements de fonds, d’abus de biens sociaux et de faux et usage de faux, ne débutant qu’en 2012. Jacques Mangoua bénéficia d’un non-lieu en novembre 2013.
Entre-temps, il fut contraint de renoncer à se présenter aux élections régionales d’avril 2013 dans le Gbêké. Cinq ans plus tard, Henri Konan Bédié le préféra à Jean Kouassi Abonouan, alors président du conseil régional, et au ministre Jean-Claude Kouassi, pour être le candidat du PDCI dans cette même région.
Jean-Claude Kouassi, son principal adversaire politique, et Jean-Kouassi Abonouan furent ses adversaires – en indépendant pour le premier, au sein du RHDP. Très implantés dans la région, notamment dans les villages, Mangoua l’emporta.
Depuis cet épisode, la tension entre les cadres politiques de la région n’était jamais vraiment retombée et c’est dans ce contexte qu’avait éclaté à Béoumi les affrontements intracommunautaires entre populations baoulé et malinké faisant quatorze morts, une centaine de blessés et 500 déplacés.