Henry Rotich, ministre kényan des Finances, et plusieurs responsables de son ministère ont été appréhendés pour fraude en lien avec un projet de construction de barrages.
Noordin Haji, le monsieur anti-corruption du Kenya, a frappé fort. Au matin du 22 juillet 2019, le directeur des poursuites judiciaires, nommé en mars 2018, a demandé l’arrestation et l’inculpation d’un membre du gratin gouvernemental. Rien moins qu’Henry Rotich, ministre des Finances, en poste depuis mai 2013. Avec 27 hauts responsables administratifs, dont le chef de l’agence gouvernementale de l’Environnement, il est poursuivi pour fraude, abus de pouvoir, irrégularités financières et autres crimes économiques. Le tout en lien avec un projet de construction de deux barrages d’une valeur de plusieurs millions de dollars, a annoncé la police.
« Les responsables gouvernementaux ont bafoué toutes les règles »
Selon M. Haji, ce projet destiné à améliorer l’approvisionnement en eau dansun pays souvent frappé par la sécheresse et à fournir de l’électricité, était « criblé d’irrégularités« , dans la conception, l’obtention du marché et le processus de paiement. « L’enquête a montré que les responsables gouvernementaux ont bafoué toutes les règles d’attribution des marchés et commis des abus de pouvoir pour s’assurer du succès de leur combine« , a expliqué M. Haji sans fioritures.
Il a, par exemple, décrit comment l’attribution du contrat à la firme italienne CMC di Ravenna avait contourné toutes les procédures en place, sans tenir compte des difficultés de l’entreprise qui faisait l’objet d’une liquidation judiciaire et n’avait pas achevé trois autres barrages coûteux.
Le contrat prévoyait que le coût total du projet s’élèverait à 450 millions de dollars (401 millions d’euros), mais le ministère des Finances avait augmenté ce montant de 164 millions de dollars sans justification adéquate. De plus, 180 millions de dollars environ ont déjà été versés, sans que la construction des deux barrages ait commencé. Pour finir, six millions de dollars ont aussi été affectés à la relocalisation des riverains touchés par le projet. Mais aucune preuve, montrant que des terrains ont effectivement été achetés, n’a été apportée.
Où est passé l’argent public ?
« Je suis convaincu que des crimes économiques ont été commis et j’ai donc approuvé leur arrestation et les poursuites à leur encontre« , a déclaré M. Haji, regrettant que « les personnes que nous inculpons aujourd’hui étaient chargées de protéger l’intérêt public et ont sciemment rompu cette confiance. »
Le Kenya a été touché par plusieurs autres scandales de corruption ces dernières années, qui ont vu la disparition de plusieurs centaines de millions de dollars d’argent public. En mars 2018, un rapport de l’auditeur général portant sur l’année financière 2015-2016 avait par exemple révélé que le gouvernement n’était pas en mesure d’expliquer où étaient passés quelque 400 millions de dollars. Aujourd’hui, le pays est classé 144e sur 180 dans l’index sur la perception de la corruption établi par Transparency International.