L’historienne Claude-Hélène Perrot est morte le 16 juillet 2019 à l’âge de 90 ans. Professeure d’histoire contemporaine à la Sorbonne, elle s’est fait connaître pour ses recherches sur l’histoire des Akan de Côte d’Ivoire et du Ghana avant la colonisation.
Née en 1928 en Alsace, Claude-Hélène Perrot avait découvert l’Afrique sur le tard après des études d’histoire. C’est à la faveur d’un voyage avec sa sœur au Sénégal, à l’âge de 30 ans, qu’elle se passionnera pour le continent africain et pour la recherche.
Sa thèse de 3e cycle, soutenue en 1963, porte sur le royaume Sotho (l’actuel Lesotho en Afrique australe) au XIXe siècle, un travail basé sur l’étude des archives de la Société des missions évangéliques de Paris. Elle sera publiée sous le titre Les Sotho et les missionnaires européens au XIXe siècle (Abidjan, université d’Abidjan, 1970).
A toutes les sources des études africaines
Parallèlement, elle suit à Paris les enseignements de l’École pratique des hautes études (EPHE), ceux du sociologue Georges Balandier (1920-2016) au Musée de l’Homme, ceux de l’ethnologue et cinéaste Jean Rouch (1917-2004), à la Sorbonne, où vient de se créer en 1961 le Centre de recherches africaines, ceux des historiens Raymond Mauny (1912-1994) et Yves Person (1925-1982), l’un des pionniers de l’étude des sources orales.
Ainsi armée par ses maîtres, elle va être une des toutes premières historiennes à exploiter les sources orales auprès des Akan de Côte d’Ivoire et du Ghana.
Claude-Hélène Perrot obtient une affectation dans une Côte d’Ivoire nouvellement indépendante, en tant que chercheuse, puis enseignante. Elle y réside de 1963 à 1971 : huit années durant lesquelles elle alterne entre Abidjan et sa région d’étude, dans le sud-est du pays, dans les sociétés Anyi et Éotilé.
Rentrée à Paris, elle devient maître-assistante à l’université de Paris I en 1973 et succède dix ans plus tard à Yves Person comme professeur d’histoire contemporaine de l’Afrique. Jusqu’en 2003, elle tiendra un séminaire consacrée aux études africaines, et notamment à la Côte-d’Ivoire.
Etablir l’histoire à partir des témoignages oraux
Croisant les sources orales (témoignages) et écrites de l’histoire, elle a notamment travaillé sur les relations entre religion traditionnelle et pouvoir politique.
« Elle apprend la langue Anyi ‘sur le tas’, et recueille des traditions orales remontant à plusieurs siècles, qu’elle compare aux récits laissés par les Européens depuis le XVIIe siècle. En parallèle, s’intéressant à une société voisine parlant également l’anyi, les Eotilé, riverains de la lagune Aby, elle découvre que l’on peut aussi reconstituer l’histoire de sociétés sans Etat, en l’occurrence une société lignagère, au prix d’un patient travail de recueil et de comparaison des récits détenus par chacun des lignages et en mobilisant d’autres sources, telles que les formules rituelles ou encore la topographie des lieux dévolus aux cultes« , écrit l’histoire et archéologue François-Xavier Fauvelle, du Collège de France, dans le journal Le Monde dans un hommage à l’historienne.
« Si Claude-Hélène Perrot est reconnue par la communauté historienne comme la spécialiste des Anyi et des Éotilé, elle l’est également par les intéressés, qui lui savent gré d’avoir converti des savoirs oraux, contradictoires, parcellaires et en voie d’extinction, en narrations profondes et transmissibles« , affirme François-Xavier Fauvelle.
De ses recherches, elle a tiré deux ouvrages majeurs, d’une part Les Anyi-Ndényé et le pouvoir aux XVIIIe et XIXe siècles (Abidjan, CEDA ; Publications de la Sorbonne, 1982), d’autre part Les Eotilés de Côte-d’Ivoire aux XVIIIe et XIXe siècles : pouvoir lignager et religion (Publications de la Sorbonne, 2008).