Au cinquième jour de la grève lancée par douze syndicats du secteur de la santé en Côte d’Ivoire, les autorités et les leaders de la contestation semblent ne pas parler le même langage. Dans les hôpitaux publics, la situation devient de plus en plus alarmante.
Vendredi 9 novembre, dans la cour du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Cocody (Abidjan). Des parents de malades sont particulièrement nerveux. « Il y a de nombreux malades, mais le personnel de santé est insuffisant », s’inquiète l’un d’entre-eux, qui attend fébrilement que son frère puisse enfin être examiné par l’un des rares aides-soignants chargés d’accueillir les patients avant de les envoyer en consultations devant un médecin.
Depuis lundi, c’est service minimum dans les hôpitaux publics. La grève lancée par la Coordination des syndicats du secteur de la santé (Coordi-Santé, regroupant des infirmiers, sages-femmes, agents médicotechniques, administrateurs de la santé, aides-soignants, etc.) est suivie « à plus de 90% », selon les responsables syndicaux. Ces derniers réclament notamment des indemnités de logement et de risque ainsi que « la substitution de la prime annuelle d’intéressement jugée dérisoire à une prime payable chaque trimestre », explique Boko Kouaho, porte-parole de la Coordi-Santé.
Le gouvernement promet « la révocation des grévistes récalcitrants »
Jeudi, deux grévistes ont été arrêtés par la police à Abidjan et placés en garde à vue, suite aux instructions d’Eugène Aka Aouélé, le ministre de la Santé et de l’Hygiène publique, qui avait annoncé une série de mesures pour mettre un terme à la contestation, dont « la révocation des grévistes récalcitrants ».
Alors que le ministre raffirme que « le dialogue n’a jamais été rompu » avec les responsables syndicaux, ceux-ci déclarent attendre que le gouvernement prenne des engagements financiers. « Nous pourrons suspendre le mot d’ordre si nous obtenons la signature d’un décret prenant en compte les revendications à caractère financier », déclare Boko. Un engagement que ni le ministre de la Santé et de l’Hygiène publique, ni son collègue de la Fonction publique – qui a présidé une réunion avec les leaders syndicaux, lundi -, n’ose prendre en l’absence du président Alassane Ouattara, actuellement en France, et du Premier ministre Amadou Gon Coulibaly, en mission en Norvège.
Ce dernier avait négocié, en juillet 2017, une trêve sociale avec l’ensemble des centrales syndicales, incluant les syndicaux du secteur de la santé. De fait, certains articles du protocole d’accord portant trêve sociale prescrivent les grèves, jusqu’en 2022. Une disposition que le gouvernement oppose aux responsables syndicaux.
« Le ministre de la Santé juge notre grève illégale, dans ce cas, que faisait-il avec les responsables syndicaux, lors de la réunion présidée par le ministre de la Fonction publique ? », s’est ainsi interrogé un responsable syndical, lors d’une assemblée générale extraordinaire à l’issue de laquelle la grève de trois jours a été reconduite.
Un véritable dialogue de sourds s’est donc installé entre les deux parties. Une assemblée générale des grévistes est prévue samedi 10 novembre au CHU de Yopougon. Tandis que certains évoquent un durcissement de la grève, allant jusqu’à brandir la suppression du service minimum, d’autres invitent à la reprise du travail, tout en poursuivant les négociations avec le gouvernement.