Le vote pour les élections générales, qui doivent permettre de désigner un successeur à Joseph Kabila, a débuté dans le calme à Kinshasa, malgré des retards parfois importants. Les bureaux de vote doivent en principe rester ouverts jusqu’à 17h, ce qui pourrait ne pas permettre à tous les inscrits de voter.
En ce jour historique, Kinshasa s’est réveillée sous l’orage. À 6 heures, heure théorique du début de ces élections générales, qui doivent permettre de désigner un successeur au président Joseph Kabila, la pluie était encore battante. À-t-elle gêné les derniers préparatifs de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) ? Au collège Saint Raphaël, dans la commune de Limete, les opérations de vote n’avaient toujours pas commencé deux heures plus tard. La faute aux listes électorales, qui n’étaient pas encore arrivées. Les électeurs doivent pourtant s’y référer pour savoir où voter.
Une centaine d’électeurs patientait, agacés par les retards au point de prendre à partie des observateurs de l’Union africaine (UA), venus sur place. Présente depuis 5 heures du matin, Stéphanie, très remontée, se disait prête à attendre jusqu’à l’affichage des résultats. « J’attendrai deux ou trois jours s’il le faut ! Pourquoi ne peut-on pas voter ? Déjà, à Butembo, d’où je viens, ils ont annulé les élections. Est-ce qu’ils vont faire la même chose ici ? ».
Les électeurs parviendront-ils tous à voter ?
Ailleurs à Kinshasa, comme à Bandalungwa, le vote se déroulait globalement dans l’ordre, malgré les difficultés ressenties par les électeurs pour trouver leur nom sur les listes. Ceux qui n’y parvenaient pas – relativement rares – repartaient dépités. Au centre Joyeux Lutins, les files d’attentes enflaient vers 8h30, avec la fin de la pluie et malgré les immenses flaques d’eau qui parsemaient la cité.
Les électeurs parviendront-ils tous à voter ? La fameuse « machine à voter » choisie par la Ceni était fonctionnelle dans tous les bureaux de ce centre. Mais selon leur capacité à manier son écran tactile, il fallait entre toutefois deux à quatre minutes aux électeurs pour faire leur choix entre les 21 candidats à la présidentielle et les centaines de candidats à la députation nationale ou provinciale. « Je me suis fait aider par une dame, témoignait Nicaise, 68 ans. Les candidats se sont affichés, et j’ai fait mon choix. J’ai ensuite vérifié les noms sur le bulletin ».
Au rythme de 30 électeurs par heure, tous les inscrits ne pourront pas voter dans la journée : il y a entre 600 à 800 inscrits par machine et les centres de vote doivent en principe fermer leurs portes à 17h. Que se passera-t-il, si la participation est importante ?
Pas d’accord trouvé entre l’opposition et la majorité
Pas de quoi, en tout cas, entamer l’optimisme de Martin Fayulu. « Aujourd’hui, nous signons la fin de M. Kabila. Nous signons la fin de la misère du peuple Congolais », déclarait-il, après avoir déposé son bulletin dans l’urne à la Gombe. Le candidat de la majorité présidentielle votait lui dans la même commune, dans un autre centre.
La veille, les deux hommes ainsi que Félix Tshisekedi, l’autre grand candidat d’opposition, n’avaient pas pu s’entendre pour signer un même code de bonne conduite, malgré une médiation par la mission d’observation de la SADC et une campagne qui a fait une dizaine de morts.
Le projet initial prévoyait notamment que tous s’engagent à « œuvrer pour la sauvegarde de la paix » et à faire uniquement appel « aux procédures appropriées telles que définies par la commission des lois de la RDC » en cas de différends. Les opposants Martin Fayulu et Félix Tshisekedi n’ont pas voulu la signer sans y adjoindre une série d’amendements pour contraindre la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) à plus de transparence.
Les deux candidats d’opposition continuent, par ailleurs, de dénoncer l’exclusion des électeurs de Beni, Butembo et Yumbi (près de 3% des inscrits) de la présidentielle, justifiée par la Ceni par l’épidémie d’Ebola et les violences intercommunautaires. À Béni, d’ailleurs, ce 30 décembre, les électeurs ont improvisé un vote populaire, avec des bulletins papiers, qui ne sera sans doute pas comptabilisé.
Refus de l’aide internationale
La Ceni s’est par ailleurs montrée particulièrement peu transparente vis-à-vis de la communauté internationale en amont du scrutin. Elle a refusé toute aide logistique de la Mission de l’ONU (Monusco), ainsi que les missions d’observation du Centre Carter (ONG américaine) et de l’Union européenne (UE). Plusieurs journalistes étrangers présents à Kinshasa se sont vus refuser leur accréditation sans motif. Aucun envoyé spécial de RFI, France 24, Radio France ou encore la RTBF n’a pu se rendre en RDC faute de visa. Les diplomates américains, ainsi que nombre de leurs collègues occidentaux, se sont vus refuser une accréditation permettant d’accéder aux bureaux de vote par la Ceni . « Nous n’avons jamais vu ça, ni lors des élections de 2011, ni ailleurs dans le monde », pestait l’un d’eux. Les frontières terrestres, fluviales et lacustres du pays étaient fermées pour ce jour de vote. Mais internet fonctionnait normalement.
La veille, les évêques catholiques de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) s’était inquiétés dans un communiqué que « la cartographie des centres de vote reste mouvante » et de « tentatives d’achat de cartes d’électeurs par certains candidats et de tentatives de corruption des membres de bureaux de vote ». Avec 40 000 observateurs accrédités déployés sur le terrain, elle représente, de loin, la principale force d’observation dans le pays.
Elle a promis d’autres communiqués tout au long de la journée.