Même si leurs droits tendent à s’améliorer sous la pression internationale, elles sont des dizaines de milliers à y être encore exploitées. Le président de Madagascar Andry Rajoelina veut rapatrier des travailleuses malgaches bloquées au Koweït.
Une délégation, envoyée par le président de la République malgache, s’est envolée le 25 mars 2019 pour le Koweït. Elle a pour tâche de rapatrier les travailleuses malgaches en détresse dans ce pays. Lors d’une conversation téléphonique avec certaines d’entre elles, Andry Rajoelina a promis de les aider à rentrer à Madagascar. « J’enverrai quelqu’un au Koweït d’ici peu pour constater de visu votre situation et pour vous faire rentrer au pays », a-t-il déclaré le 20 mars 2019.
Un espoir pour une centaine de ressortissantes malgaches bloquées au Koweït dans une situation très difficile. Victimes de divers abus, elles ont quitté leur lieu de travail pour se réfugier dans un local appartenant à une ambassade africaine. « Certaines d’entre nous ont pris la fuite et se sont rendues directement à la police où elles se trouvent actuellement parce qu’elles n’ont aucun papier d’identité », explique l’une d’entre elles dans le journal La Tribune de Madagascar.
Poussées par la pauvreté
Comme ces femmes, des dizaines de milliers d’Ethiopiennes, de Somaliennes, de Marocaines ou encore d’Egyptiennes sont employées comme bonnes à tout faire dans les pays du Golfe. Poussées par la pauvreté et les conflits, elles sont prises en charge par des agences qui « les vendent » à des employeurs pour toutes sortes de tâches : nettoyage, cuisine, garde des enfants… Travaillant plus de 15 heures par jour pour des salaires de misère. Quand ils sont versés… Les employeurs, et parfois les agences de recrutement, leur retirent leurs passeports pour éviter qu’elles ne s’enfuient.
Selon l’Organisation internationale du travail (OIT), 3,8 millions de travailleurs domestiques travaillaient en 2017 dans les pays du Golfe : Oman, Koweït, Arabie saoudite, Qatar, Barhrein et Emirats arabes unis. L’Arabie saoudite absorberait les deux tiers de cette main d’œuvre (2,42 millions de personnes). Au Koweït, elle représente 22% des personnes en âge de travailler, c’est dire si elle est essentielle à l’économie de ces pays.
Esclavage moderne
Isolées, de nombreuses domestiques sont très vulnérables. Elles travaillent souvent dans des conditions indignes, sont exploitées – parfois sexuellement –, quand elle ne subissent pas des violences physiques et psychologiques.
La charge de travail excessive et les salaires impayés sont les plaintes les plus courantes. Mais les employeurs agissent généralement en toute impunité, avec la complicité de la police et de la justice qui ferment les yeux sur ces pratiques. « Je n’ai pas eu de salaire pendant trois mois au Koweït, et quand j’ai enfin obtenu mon salaire, mes patrons sont allés à la police mentir, disant que j’avais battu leur enfant », témoignait une jeune Togolaise en 2016.« La police est venue à la maison. Ils m’ont frappée et m’ont amenée au commissariat », poursuivait-elle.
Pression internationale
Les ONG dénoncent depuis des décennies cet esclavage moderne. Les gouvernements sont obligés de réagir. Le Togo a, par exemple, interdit le voyage des jeunes filles au départ de l’aéroport de Lomé vers le Moyen-Orient. Le président philippin Rodrigo Duterte a également réagi début 2018, rapatriant des dizaines de milliers de domestiques philippines dans le cadre d’un programme de retour volontaire. Elles ont vite été remplacées, notamment par des Ethiopiennes fuyant la pauvreté, parfois poussées par leur familles.
L’OIT a défini des normes sur le travail décent et une protection minimale dans le cadre de la Convention sur les travailleuses et travailleurs domestiques. Tous les pays du Conseil de coopération du Golfe ont adopté ce texte. Mais aucun ne l’a ratifié, ce qui signifie que les règles ne sont pas contraignantes.
Avec les critiques récurrentes, certains pays ont toutefois commencé à bouger. Le Koweït a décidé de mettre fin à la saisie des passeports et des téléphones. Les autorités ont mis en place une ligne d’aide, qui fonctionne 24h/24 pour les travailleurs maltraités.
Après des informations faisant état de travaux forcés pour la préparation de la Coupe du monde de football 2022, le Qatar a été soumis à une enquête formelle de l’OIT. Face à cette pression, le pays a adopté en 2017 une loi sur le travail domestique. La loi stipule la gratuité des soins de santé, un salaire mensuel régulier, un maximum de 10 heures de travail et une indemnité de licenciement de trois semaines. Il a également fixé un salaire minimum temporaire pour les travailleurs migrants, à 200 dollars par mois. Reste à généraliser et à appliquer cette réglementation.