L’augmentation correspond à la prime négociée depuis 2019 par le gouvernement avec les multinationales pour améliorer les revenus des planteurs.
Le président ivoirien Alassane Ouattara a annoncé, jeudi 1er octobre, une forte hausse du prix du cacao payé aux planteurs en Côte d’Ivoire, un geste salué, mais jugé encore insuffisant pour le pays, premier producteur mondial de cacao.
« Nous avons décidé d’augmenter le prix de 825 à 1 000 francs CFA », a déclaré le président Ouattara à Yamoussoukro, la capitale politique ivoirienne, à l’ouverture des Journées nationales du cacao et du chocolat, la manifestation annuelle qui ouvre la grande saison de la récolte, suscitant des acclamations des planteurs présents. Avec ce montant de 1 000 francs CFA (1,52 euro) par kilo pour la récolte 2020-2021, le prix du cacao « bord champ », payé aux planteurs, fixé chaque année par le gouvernement, est en hausse de 21 % par rapport à la saison précédente.
Cette augmentation correspond au « différentiel de revenu décent » (DRD), la prime de 400 dollars par tonne (soit 224 francs CFA par kilo) négociée avec les multinationales du cacao et du chocolat pour améliorer les revenus des planteurs à partir de cette saison, note un expert du secteur. « C’est nécessaire, mais pas suffisant pour que les planteurs vivent décemment », explique-t-il.
« Ce n’est pas suffisant pour vivre »
« C’est juste pour vivre. On aurait voulu 1 200 francs CFA », a commenté auprès de l’AFP un planteur, N’Dri Kouao. « C’est un progrès, mais ce n’est pas suffisant pour vivre. Il faudrait 1 400 ou 1 500 francs CFA pour s’en sortir », a abondé le président du Syndicat national agricole pour le progrès en Côte d’Ivoire, Moussa Koné.
Ce prix de 1 000 francs CFA par kilo pour la Côte d’Ivoire, qui produit plus de 40 % du cacao mondial, est équivalent à celui annoncé la semaine dernière par le Ghana voisin, qui en produit environ 20 %.
Depuis 2019, les deux pays d’Afrique de l’Ouest se concertent pour tenter de faire monter le prix de l’« or brun » sur les marchés mondiaux. Ensemble, ils ont réussi à imposer le DRD.
« Notre stratégie commune permet aujourd’hui de mieux défendre les intérêts de nos producteurs au niveau international », a estimé le président Ouattara. « Si le Ghana et la Côte d’Ivoire restent ensemble, le DRD existera toujours », a déclaré Joseph Boahen Aidoo, directeur du Cocobod, l’organisme étatique qui gère la filière cacao au Ghana.
Ce montant de 1 000 francs CFA est un retour au prix de 2015. Il avait ensuite atteint 1 100 francs CFA en 2016, un record. Les prix avaient ensuite été tirés à la baisse par l’effondrement du cours mondial.
Cette forte hausse du prix du cacao survient aussi à un mois de l’élection présidentielle du 31 octobre en Côte d’Ivoire, qui se tient dans un contexte politique tendu. Des violences préélectorales ont déjà fait une quinzaine de morts en août, et l’opposition a appelé la population à la « désobéissance civile ».
Meeting politique
La cérémonie de Yamoussoukro a quasiment été transformée en meeting politique pour le candidat Ouattara, qui brigue un troisième mandat controversé. « Allez partout dans vos villages pour annoncer la bonne nouvelle de la candidature du président Ouattara. Le président a fait beaucoup pour vous, en retour vous avez envers lui un devoir de reconnaissance », a déclaré le ministre de l’agriculture Kobenan Kouassi Adjoumani, suscitant des réactions mitigées dans l’assistance, applaudissements comme rires.
« Vous pouvez compter sur moi », a lancé Alassane Ouattara aux planteurs, assurant que le prix de 1 000 francs CFA correspondait à un soutien de 355 milliards de francs CFA (541 millions d’euros) de l’Etat en leur faveur.
La récolte de cacao 2020-2021 devrait rester au même niveau élevé qu’en 2019, avec 2,1 millions de tonnes, selon les prévisions de l’Organisation internationale du cacao, si des troubles politiques ne la perturbent pas. Mais la consommation mondiale de cacao a été affectée par la crise du coronavirus, tirant les prix des marchés à la baisse. Le cacao est stratégique en Côte d’Ivoire puisqu’il représente 10 % à 15 % du produit intérieur brut (PIB), près de 40 % des recettes d’exportation et fait vivre 5 à 6 millions de personnes, soit un cinquième de la population, selon la Banque mondiale.