« Nous exhortons le gouvernement à présenter des excuses pour les atrocités commises pendant la colonisation. » Un groupe d’experts de l’ONU a enquêté sur l’attitude de la Belgique face à son passé colonial. Les conclusions de leur pré-rapport sont sévères, le royaume lutte peu contre le racisme.
« Le gouvernement belge doit adopter un plan d’action national complet contre le racisme », a affirmé Michal Balcerzack, le président polonais du groupe de travail. Il a ajouté lors de son discours : « C’est une évidence que la discrimination raciale est endémique dans les institutions belges. »
Le groupe d’experts a été créé par la Commission des droits de l’Homme de l’ONU, à la suite de la Conférence mondiale contre le racisme tenue à Durban en 2001. Déjà passé en Belgique en 2005, le groupe de travail, composé de cinq experts, y a séjourné une semaine en février 2018. Son étude l’a mené dans les grandes villes du pays « pour enquêter sur le racisme, la discrimination raciale, l’afrophobie, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, affectant les personnes d’ascendance africaine en Belgique. »
Programmes scolaires biaisés
Le travail de mémoire insuffisant sur le passé colonial de la Belgique, le manque de reconnaissance de l’ampleur de la violence de la colonisation, serait le moteur de cette discrimination. Et les rapporteurs pointent du doigt des programmes scolaires biaisés qui « ne reflètent pas de manière adéquate l’histoire de la colonisation ». « Là où le programme existe, il semble récapituler la propagande coloniale, y compris la suggestion que le développement économique est venu en Afrique à la suite de la colonisation », poursuit le rapport.
« Pour clore le chapitre sombre de l’Histoire, la réconciliation et la guérison, il est impératif que les Belges doivent enfin affronter et reconnaître le rôle joué par le roi Léopold II et la Belgique dans la colonisation et son impact à long terme. » Et donc, autre recommandation en forme de supplique, les rapporteurs demandent à la Belgique de faire des excuses.
« Rapport étrange »
Une telle charge, menée en quelque 74 points contre la Belgique et ses fleurons, n’est pas passée inaperçue dans le pays. Le Premier ministre Charles Michel a évoqué « un rapport étrange » et dit attendre la version définitive prévue en septembre 2019. Le Palais royal n’a pas souhaité commenter le rapport du groupe d’experts, gêné sans doute de voir le roi Léopold II placé une nouvelle fois sur le banc des accusés.
Le tout nouveau Africa Museum de Bruxelles n’a pas évité les critiques des rapporteurs. L’ancien Musée royal de l’Afrique centrale n’avait pratiquement pas évolué depuis les années cinquante et subissait des critiques de tous horizons. Désormais rénové et renommé, il revendique un regard critique sur la période de la colonisation. « Le grand défi de la rénovation était d’exposer une vision contemporaine et décolonisée de l’Afrique », explique le site du musée.
L’Africa Museum épinglé
Malgré tout, l’Africa Museum n’a pas trouvé grâce aux yeux des experts. Il doit « supprimer toutes les expositions racistes offensantes » et veiller à« garantir des explications détaillées et un contexte permettant d’informer et d’éduquer les visiteurs sur l’histoire coloniale de la Belgique et son exploitation de l’Afrique. »
Guido Greyssels, le directeur, s’est déclaré « étonné de ces conclusions » qu’il trouve « superficielles », tout comme la visite du musée par les rapporteurs qui n’a duré qu’une heure, dit-il.
Enfin, ultime charge, les rapporteurs ont épinglé le héros national, Tintin. La republication de Tintin au Congo ne trouve pas grâce aux yeux des experts, car elle perpétue « les stéréotypes négatifs et devrait être supprimée ou contextualisée ».
Ce rapport est, paraît-il, un « appel à se réveiller » lancé à la société belge, selon les mots d’une des expertes de l’ONU, l’Américaine Dominique Day. Un réveil pour le moins douloureux.