Les expatriés jeunes diplômés, cadres et entrepreneurs ivoiriens souhaitent retourner en Côte d’Ivoire. Mais le manque d’accompagnement et d’informations sur les opportunités professionnelles les empêchent de se projeter.
La majorité des ivoiriens a toujours gardé à l’esprit de repartir un jour en Côte d’Ivoire. 84 % d’entre eux le souhaite selon un sondage réalisé en 2012 par la FADIV, la fédération des associations de la diaspora ivoirienne. L’une de leur raison est l’attractivité économique du pays. La Côte d’Ivoire connaît une croissance avoisinant les 8 % par an, l’un des taux les plus élevés du continent en 2017.
S’ils ont envie d’y vivre, ces émigrés ivoiriens ne franchissent pas souvent le cap, selon Moussa Abdoul Kader, ex-président de la FADIV et maintenant représentant Europe de la Convention nationale des organisations de la société civile ivoirienne (CNOSCI). Il l’affirme, « un certain nombre de dispositifs ne sont pas mis en place pour accompagner leur retour », comme les aider à trouver un emploi stable ou l’obtention de marché.
Aujourd’hui, la diaspora ivoirienne compte environ 1,2 million de membres répartis entre la France, l’Europe, le Canada, les États-Unis et les autres pays d’Afrique. Un nombre largement sous évalué selon le représentant de la CNOSCI, qui les estime beaucoup plus nombreux. Ce sont par exemple des jeunes diplômés, des cadres ou des entrepreneurs. Ils passent leur Bac dans leur pays d’origine, commencent leurs études, puis ils décident de partir à l’étranger, souvent en France, pour les terminer. Certains commencent même ensuite une carrière à l’international.
QUAND LES EXPATRIÉS IVOIRIENS VOIENT LEURS AMIS REPATS RÉUSSIR DANS LEUR PAYS D’ORIGINE, ÇA LEUR DONNE ENVIE DE TENTER LEUR CHANCE.”
Gravir plus facilement les échelons
Les opportunités professionnelles poussent cette diaspora à emprunter le chemin du retour. Le pays a besoin de compétences dans les nouvelles technologies, dans la finance, les télécoms et l’assurance. Les expatriés ivoiriens sont conscients de pouvoir faire la différence. « La formation et l’expérience acquises en Occident leur feront gravir plus rapidement les échelons. Ils arriveront plus facilement à avoir des responsabilités », explique Joël-Eric Missainhoun, directeur du cabinet Africsearch à Abidjan.
Bien souvent, le déclic se fait lorsqu’ils partent en vacances en Côte d’Ivoire. « Quand les expatriés ivoiriens voient leurs amis repats réussir dans leur pays d’origine, ça leur donne envie de tenter leur chance. Et à Paris ou à Bruxelles l’ascension est plus lente », explique le directeur du cabinet de recrutement, lui même repat depuis 2010.
Pour lui, le cadre de vie joue également un rôle dans cette volonté de retour. « L’accès à certains service comme l’aide à domicile, est plus simple en Côte d’Ivoire qu’en France, surtout quand on commence à avoir des enfants », explique Joël-Eric Missainhoun. Selon une étude réalisée par Kodji agency, une agence qui accompagne les expatriés souhaitant investir en Côte d’Ivoire, les conditions de vie à l’étranger sont la principale raison qui motive les porteurs de projets ivoirien à partir.
Apporter sa contribution au continent
Enfin la volonté d’apporter sa contribution à l’expansion du pays est une autre motivation au retour. « Ils ont envie de faire bouger les choses », affirme Chams Diagne président du cabinet de recrutement Talent2Africa.
Guy F. Koré en fait partie, expatrié en France depuis l’âge de 10 ans, il projette de retourner en Côte d’Ivoire. « Je ressens le besoin d’être utile en Afrique. Et je préfère réussir dans mon pays qu’en France », avoue-t-il. Après avoir créer son entreprise Wizodia, accompagnant la diaspora africaine à construire des logements en Afrique depuis la France, il compte s’installer à Abidjan pour piloter son service directement sur place.
Mais cette décision reste encore à l’état de projet. « J’attends que mon entreprise et les activités agricoles que je possède en Côte d’Ivoire, soient suffisamment rentables pour rentrer. Et tout dépend de l’issue de l’élection présidentielle en 2020 ». Si le pays replonge dans une instabilité politique comme en 2011, l’entrepreneur n’y retournera pas.
Pas de postes à la hauteur des compétences
Entre les attentes et la réalité de l’emploi, le décalage est souvent difficile pour ces expatriés. Selon une étude réalisée par AVAKO Group en 2017 pour Inspire Afrika, un web magazine panafricain, 70 % des membres de la diaspora africaine ne rentrent pas en Afrique faute d’opportunités professionnelles. « Les futurs arrivants sont le plus souvent à la recherche de postes de directeurs juridique, ou administratif financier, de manager ou de top management. Or ces places sont déjà occupées ou n’ont pas encore été créées. Le marché de l’emploi ivoirien recherche davantage d’ingénieurs, de techniciens, d’assistants de direction, ou de comptables », explique Fanta Traoré, fondatrice du cabinet de recrutement Empower Talents & Careers.
Les expatriés ivoiriens revoient donc leurs attentes à la baisse ou se donnent plus de temps pour obtenir ce qu’ils veulent. Yves-Joel Esse, conseiller spécial et directeur de cabinet d’une grande banque française l’a déjà envisagé et a opté pour la patience, sans succès pour le moment. « Pendant longtemps, je regardais les offres toutes les semaines et je postulais. J’ai eu très peu de retours et encore moins en lien avec mes aspirations. Alors maintenant je continue de regarder mais je postule moins », raconte-t-il.
D’autres manquent simplement de réseau parce qu’ils ont quitté trop tôt leur pays et n’ont pas eu le temps de se faire un carnet d’adresses. L’élément clé pour un retour réussi au pays.