Les partisans de l’opposant vénézuélien Juan Guaido se sont dirigés samedi 3 mai « en paix » mais en nombre réduit, vers les casernes pour exhorter une nouvelle fois l’armée à lâcher Nicolas Maduro, le président qui a appelé les troupes à être « prêtes » en cas d’attaque américaine.
« L’objectif est de porter notre message sans tomber dans la confrontation, ni la provocation », avait écrit Juan Guaido sur Twitter.
Et le chef de file de l’opposition d’appeler les Vénézuéliens à remettre un tract aux soldats pour les inciter à tourner le dos à Nicolas Maduro, quatre jours après avoir tenté, sans succès, de provoquer un soulèvement militaire.
Les appels du pied de plus en plus pressants de l’opposant à l’armée s’expliquent par le poids de cette institution dans l’équilibre du pouvoir. Elle tient le secteur du pétrole, poumon économique du pays, et plusieurs ministères.
Jusqu’à maintenant, l’état-major est resté fidèle à Nicolas Maduro, qui s’est rendu sur deux bases depuis jeudi matin pour s’assurer de la loyauté des troupes à son égard.
Samedi à la mi-journée, Juan Guaido n’était pas apparu en public et la mobilisation autour de son initiative était relativement faible devant les quatre casernes de Caracas où les opposants étaient rassemblés, selon des journalistes de l’AFP.
Les abords étaient pour la plupart gardés par la police et la Garde nationale bolivarienne, un corps militarisé, qui empêchaient les manifestants d’approcher et de remettre les tracts aux militaires.
Les opposants à Nicolas Maduro lisaient, pour certains au mégaphone, le texte qui invite les militaires à « se mettre (…) du côté de la transition pacifique ».
« Nous demandons aux militaires qu’ils nous aident à mettre fin à l’usurpation et qu’ils rejoignent le peuple », a expliqué à l’AFP, Dina Alonso, 53 ans, postée près du quartier général de la Garde nationale.
Dans une interview au Washington Post, Juan Guaido semble reconnaître avoir présumé de ses chances lors du soulèvement militaire. « Il nous faut toujours plus de soldats pour le soutenir, pour soutenir la constitution », a-t-il déclaré.
Pour Juan Guaido et ses partisans, le président vénézuélien est un « usurpateur » qui se maintient sur la base des résultats de l’élection présidentielle « frauduleuse » de l’an dernier. Juan Guaido s’est proclamé président par intérim le 23 janvier et est reconnu comme tel par une cinquantaine de pays dont les Etats-Unis.
L’appel au soulèvement qu’il a lancé mardi a déclenché des manifestations monstres en marge desquelles de violents heurts se sont produits. Au moins quatre personnes sont mortes et 200 autres ont été blessées, selon Amnesty International, pendant les affrontements.
Le président socialiste a, lui, appelé samedi l’armée à être « prête » pour l’éventualité d’une attaque de l' »empire nord-américain », lors de l’inspection d’une base dans l’Etat de Cojedes, dans le nord-ouest du pays.
Sept militaires qui avaient décollé samedi de Caracas à destination de cette base ont été tués dans le crash de leur hélicoptère. Un « incident » que le président a regretté sur Twitter.
Dès mardi, le président socialiste avait lancé une chasse aux « traîtres » et a affirmé avoir déjoué une « escarmouche putschiste » entreprise par le petit groupe de militaires entrés en rébellion pour rejoindre Juan Guaido.
Quelque 25 militaires rebelles ont ensuite demandé l’asile aux ambassades du Brésil et du Panama, et Leopoldo Lopez, une des figures de l’opposition, s’est réfugié dans celle d’Espagne.
Washington tente à tout prix de pousser Nicolas Maduro vers la sortie au profit de Juan Guaido. Mercredi, le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo a déclaré qu’une « intervention militaire est possible (au Venezuela, ndlr). Si c’est nécessaire, c’est ce que feront les Etats-Unis ».
Et dans un message vidéo adressé aux Vénézuéliens samedi, il a affirmé que « le moment de la transition est venu ».
De son côté, le ministre cubain des Affaires étrangères Bruno Rodriguez a affirmé sur Twitter que Cuba, le plus proche allié de Nicolas Maduro, « soutiendra et contribuera toujours à la résolution des différends à travers un dialogue respectueux de l’égalité souveraine des Etats », sans évoquer explicitement le Venezuela.
Le président américain Donald Trump a pour sa part, de manière surprenante, vanté un « échange très positif » avec son homologue russe Vladimir Poutine sur le Venezuela, dossier sur lequel les deux pays s’accusent mutuellement de jouer un jeu dangereux.
Le ton monte depuis plusieurs mois entre Washington et Moscou, qui accuse les Etats-Unis d’essayer d’organiser un « coup d’Etat » au Venezuela.
Trump a adopté un ton particulièrement conciliant vis-à-vis de Moscou, qui tranche avec celui de ses principaux conseillers et du département d’Etat.
« Vladimir Poutine ne cherche pas du tout à s’impliquer au Venezuela au-delà du fait qu’il aimerait voir des développements positifs », a-t-il assuré depuis le Bureau ovale. « Nous avons eu une conversation très positive », a-t-il insisté.
Le compte-rendu du Kremlin, qui a tenu à souligner que l’appel avait eu lieu à l’initiative de Washington, était très éloigné de la tonalité de l’hôte de la Maison Blanche. « L’ingérence dans les affaires intérieures, les tentatives de changement par la force du pouvoir à Caracas sapent les perspectives d’un règlement politique du conflit », a mis en garde Moscou.
AFP