Au deuxième jour de sa comparution dans le procès du putsch manqué de 2015 au Burkina, le général Djibrill Bassolé, qui a plaidé non coupable, a notamment insisté sur « la totale déconnexion de ses activités privées » avec les faits qui sont lui reprochés.
Débouté de sa demande de sursis à statuer sur les écoutes téléphoniques présumées avec Guillaume Soro, Djibrill Bassolé a comparu le 21 décembre devant le tribunal militaire de Ouagadougou.
Deuxième jour de son audition, le général de gendarmerie, accusé de « complicité d’attentat à la sûreté de l’État, meurtres, coups et blessures, collision avec une puissance étrangères » dans le putsch raté de 2015, a livré sa version des faits.
« Le tribunal déboute le général Djibrill Bassolé de sa demande de sursis à statuer. Nous allons poursuivre l’audience avec l’interrogatoire », a déclaré à l’ouverture du procès Seydou Ouédraogo, le président du tribunal militaire. La défense du général de gendarmerie avait remis en cause deux jours plus tôt l’authenticité du rapport d’expertise sur les écoutes téléphoniques supposées avec Guillaume Soro, le président de l’Assemblée nationale ivoirienne, arguant avoir déposé une plainte au tribunal de grande instance de Ouagadougou pour « faux ».
Après une suspension de quelques minutes, les débats ont repris aussitôt avec le témoignage de Djibrill Bassolé qui a comparu assis, vêtu d’un boubou blanc, cartable à la main. Interrogé par le président sur son emploi du temps durant les événements du 16 septembre 2015, l’ancien ministre des Affaires étrangères a insisté sur « la totale déconnexion de ses activités privées » avec les faits qui sont lui reprochés. « Je ne serai pas long, mon emploi du temps n’a pas été en relation directe avec les événements du coup de force », a-t-il soutenu.
Et de poursuivre sa narration des faits : « En début d’après-midi du 16 septembre, je reçois un appel ou un SMS m’informant que des arrestations s’opèrent à la présidence. Mon réflexe a été de quitter Ouagadougou pour Koudougou, où j’ai suivi l’évolution de la situation. Il y avait beaucoup de tension, et moi-même j’étais l’objet de pas mal de controverse en raison de ma position et surtout de mon engagement politique », a précisé le général.
Au fil de son témoignage, Djibrill Bassolé a expliqué être revenu à Ouagadougou par avion, pour Niamey, où il se serait alors entretenu avec le président nigérien Mahamadou Issoufou. « Issoufou souhaitait que le général [Gilbert] Diendéré accepte la feuille de route de la Cedeao et se conforme au compromis politique. Ce qui fait que notre entretien n’a pas duré. De retour, j’ai fait part de cela à Diendéré qui était déjà dans la même disposition avant de repartir à Koudougou », a-t-il affirmé à la barre, ajoutant être revenu le 25 septembre après la réinstallation du gouvernement de transition.
« C’est là où la situation a commencé à se dégrader pour moi, j’apprends que mes avoirs ont été gelés. Plus grave, l’exécutif fait de graves accusations contre moi arguant que j’ai fait appel à des forces étrangères et des groupes jihadistes pour venir à la rescousse de quelques éléments irréductibles du RSP [le régiment de sécurité présidentielle, ndlr]. C’est ainsi que ma résidence a été bouclée, et je suis arrêté le 29 septembre 2015 », a relaté l’ancien médiateur dans la crise au nord du Mali.
Le général, qui a nié les faits et plaidé non coupable, a tenu à réaffirmer son innocence. « Aucune constatation, aucun témoin, aucun coaccusé ne me met en cause dans l’exécution du coup de force. Aucun acte concret de complicité n’a été révélé. C’est extrêmement important pour moi car mon implication présumée ne saurait passer inaperçue », a-t-il soutenu.
Se prononçant sur les écoutes qu’il qualifie de « fabriquées et manipulées », l’ancien ministre de la Sécurité de Blaise Compaoré a affirmé : « J’aurai l’occasion de prouver que ces enregistrements qui fondent l’accusation ne proviennent pas d’une interception téléphonique classique ». Sur ces mots, le président rebondi sur l’aide supposée que le général aurait apportée aux putschistes, notamment le général Gilbert Diendéré.
Une allégation balayée du revers de la main par l’accusé. « Diendéré n’a pas besoin d’une quelconque aide, il n’a pas fait de coup d’État. Pour moi, ce n’est qu’une énième crise du RSP qui a dégénéré », s’est-il défendu.
Jeune Afrique (Nadoun COULIBALY à Ouagadougou)