Un mois après la déclaration du premier cas de coronavirus, le royaume renforce ses capacités de dépistage. Conséquence : une recrudescence des cas identifiés positifs au Covid-19 qui devrait affoler les compteurs.
Vendredi 28 février, Casablanca est en pleine effervescence. Les citadins sont loin de se douter que le pays entrera en état d’urgence sanitaire trois semaines plus tard. Un véhicule utilitaire fait une livraison spéciale dans une impasse du boulevard Abdelmoumen, une des artères principales de la métropole : le premier lot de tests « Polymerase Chain Reaction » (PCR) arrive à l’Institut Pasteur. Considéré encore comme le plus fiable des tests cliniques pour le Sras, il permet d’identifier la présence du coronavirus en quatre à six heures.
Une trentaine de patients présentant des symptômes sont dépistés dès ce premier week-end de mars et le résultat est sans appel : le coronavirus a déjà franchi les frontières du royaume. Agé de 39 ans, un Marocain qui venait de rentrer de Bergame en Italie le 27 février se découvre positif après s’être présenté à l’hôpital avec des symptômes.
En déclarant ce premier cas, le 2 mars, le royaume n’avait alors effectué qu’une trentaine de tests. Et un mois plus tard, au 2 avril, moins de 4 000 tests avaient été effectués pour 676 cas déclarés. « En 31 jours, nous avons effectué autant de tests que l’Allemagne en une heure et demie… Il faut dire que Berlin a une capacité de 500 000 tests hebdomadaires », souligne un médecin spécialiste en épidémiologie, catégorique : « Le nombre de cas déclarés au Maroc est encore appelé à s’accroître, c’est mécanique. Plus on testera de personnes, plus on déclarera de cas ! » Comprenez : le royaume a adopté jusque-là une approche sanitaire basée sur le diagnostic et s’apprête à peine à passer à une phase de dépistage massif.
Détermination des cas suspects
Mardi 31 mars, au ministère de la Santé, énième réunion de la Commission scientifique et technique consultative sur les affections respiratoires aigües. « Le Maroc est entré dans sa troisième semaine de fermeture des frontières, il fallait donc discuter de l’adaptation de la détermination des cas possibles en fonction de cette nouvelle donne. Sous peu, il n’y aura donc plus de cas de personnes ayant voyagé ou séjourné dans une zone à risques, dans les quatorze jours précédents », détaille une source proche du dossier.
Aussi, la définition même des « cas suspects », élément clé du dispositif national d’identification des contaminés, doit être révisée. Car s’il n’y a plus de foyers importés, la vigilance est désormais tournée vers les clusters internes. Outre les patients présentant une infection respiratoire aigüe, considérés depuis la première définition du 26 février comme des cas suspects, est jugée susceptible d’être atteinte du coronavirus, toute personne « ayant été en contact avec un cas confirmé d’infection par le Sars-Cov-2, deux jours avant et pendant que ce dernier était symptomatique ». C’est ce que stipule la dernière mise à jour rendue publique de la procédure marocaine effectuée le 22 mars.
Une dizaine de jours auparavant, cette définition des cas suspects avait été élargie, entre autres, au personnel de « laboratoire ayant manipulé des prélèvements d’un cas confirmé de Covid-19, qui présente une pneumonie », en plus évidemment de « tout professionnel de santé exerçant dans un hôpital où un cas de Covid-19 est pris en charge », prévu dès le premier plan d’urgence. Et à chaque fois que le royaume a révisé la définition des cas susceptibles, il a rehaussé la cadence de ses tests.
Testez ! Testez !
Jeudi 12 mars à 19 heures, après un silence radio de 48 heures, le ministère de la Santé annonce un doublement du nombre de patients : de 3 à 6. Les communicants du département insistent peu, alors, sur l’augmentation du nombre de tests quotidiens : d’une poignée… à une trentaine. La cadence va désormais s’accélérer : 80 nouveaux tests pour la seule journée du 20 mars, 160 diagnostics cinq jours plus tard, jusqu’à 562 le 27 mars, journée record durant laquelle 345 cas sont recensés, pour 1 768 personnes examinées. « Durant la semaine écoulée, nous sommes passés à une moyenne de 345 tests quotidiens, contre 5 à 6 au début du mois », affirme notre source. Et cela ne fait que commencer…
NOUS SOMMES EN TRAIN D’ACQUÉRIR D’AUTRES TECHNIQUES DE DIAGNOSTIC, PLUS SIMPLES, MAIS QUI APPORTERAIENT DES RÉSULTATS PLUS FIABLES
La réunion du 31 mars de la commission scientifique permis de discuter de la short-list des fournisseurs potentiels d’un lot de 100 000 kits de tests rapides. « Nous sommes en train d’acquérir d’autres techniques de diagnostic, plus simples, mais qui apporteraient des résultats aussi fiables que ceux des laboratoires utilisant la technique dite PCM », a confirmé Mohamed El Youbi, directeur de l’épidémiologie et de lutte contre les maladies au ministère de la Santé. Et d’ajouter : « Nous ne pouvons pas acquérir 100 000 appareils de laboratoire d’un seul coup, mais nous nous inscrivons dans la logique d’acquisition de tests de diagnostic rapide en quantités suffisantes. »
Le royaume a donc bien entendu l’appel de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). « Nous avons un message simple pour tous les pays : testez, testez, testez tous les cas suspects », a lancé le 16 mars le directeur général de l’institution, Tedros Adhanom Ghebreyesus. Le Maroc a par ailleurs déjà élargi ses capacités au niveau des laboratoires : alors que les analyses s’effectuaient jusque-là entre Casablanca et Rabat – à l’Institut Pasteur, à l’Institut national d’hygiène, ou dans des hôpitaux militaires – les CHU sont désormais autorisés les uns après les autres à pratiquer des tests.