Après la rencontre entre Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo fin juillet à Bruxelles, les deux partis de ces nouveaux alliés ont tenus leur premier rassemblement commun à Abidjan ce samedi, à un an de la présidentielle.
Combien seraient-ils ? « 2 000, au mieux 5 000 », comme l’espéraient des ténors du parti au pouvoir ? « 20 000, 50 000 », comme le promettaient les plus ambitieux des caciques de l’opposition ? Une chose est sure, ce samedi 14 septembre, l’opposition ivoirienne a gagné son pari.
Dès la fin de matinée, pagne bleu aux couleurs du Front populaire ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo pour les uns, chemise verte arborant logo du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) d’Henri Konan Bédié pour les autres, la pelouse s’est remplie, les estrades sont devenues bondées : quelques 10 000 personnes ont rempli le stade du Palais des sports de Treichville. « Ils voulaient savoir ? Ils savent !, a ainsi lancé Maurice Kakou Guikahué, le secrétaire général du PDCI. Et la prochaine fois, on sera dix fois plus nombreux ! »
« Historique »
Le moment était « historique » ont répété les ténors des deux principaux partis d’opposition et l’enjeu était de taille. Pour la première fois, à un an de la présidentielle, le PDCI et le FPI faisaient un meeting commun, actant sur le terrain le rapprochement entre les deux anciens ennemis devenus alliés, Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo : pour la première fois depuis la fin de la crise post-électorale ils se sont rencontrés à Bruxelles, le 29 juillet dernier.
Mais s’ils étaient sur les t-shirts et dans les slogans, les deux hommes faisaient figure de grands absents. Toujours soumis à une liberté conditionnelle après son acquittement par la CPI, Laurent Gbagbo ne peut quitter la région bruxelloise et Henri Konan Bédié est depuis le début du mois de juillet en séjour en France.
Ce sont donc leurs lieutenants qui se sont affichés, main dans la main. L’ancienne première dame Simone Gbagbo pour le FPI, Maurice Kakou Guikahué pour le PDCI. Il y avait aussi des proches de Guillaume Soro, l’ancien président de l’Assemblée nationale, comme Alain Lobognon.
« En face y’a rien, c’est maïs », a scandé Assoa Adou, le secrétaire général du FPI, reprenant un des célèbres slogans de la campagne de 2011, qui semblait voir en ce rendez-vous une résurrection de l’opposition.
« En 2011, lorsqu’ils ont bombardé la résidence présidentielle, ils ont voulu tuer Laurent Gbagbo ! Lorsqu’il était en prison à Korhogo, il ne mangeait qu’un petit bol de riz sur lequel flottait une cuisse poulet. Ils voulaient qu’il meurt ! Heureusement, Laurent Gbagbo n’est pas mort », a-t-il déclaré, avant de faire porter la responsabilité de tous les maux du pays sur le Alassane Ouattara.
Tout sauf Ouattara
À un an de la présidentielle, le président ivoirien est plus que jamais la bête noire de l’opposition, dont l’alliance ressemble avant tout à un mouvement « Tout sauf Ouattara ». L’houphouëtiste Henri Konan Bédié et le socialiste Laurent Gbagbo, qui depuis 40 ans étaient adversaires, n’ont à part cela pas grand chose en commun.
D’ailleurs, aucun élément de programme n’a été énoncé, et la forme que pourrait prendre ce rapprochement – alliance électorale, pacte de non-agression, candidat commun ? – n’a pas été clarifiée. A ceux qui pointent une alliance opportuniste, les deux partis répondent qu’il s’agit de « réconciliation. »
Dix ans après leur affrontement qui a conduit à la crise post-électorale de 2010-2011, Henri Konan Bédié, Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara tiennent toujours le destin de la Côte d’Ivoire entre leurs mains.
À 85 ans, Henri Konan Bédié, après avoir dit qu’il ne serait pas candidat en 2020, laisse entrevoir de nouvelles ambitions présidentielles et Alassane Ouattara, 77 ans, laisse planer la possibilité d’un troisième mandat.
Quant à Laurent Gbagbo, 74 ans, il reste « plus que jamais combattif » assurent ses proches et attend lundi 16 septembre pour savoir si la procureure de la Cour pénale internationale fera ou non appel de son acquittement prononcé en janvier dernier. Si ce n’est pas le cas, il sera totalement libre et pourra enfin rêver à un retour dans son pays. Les cartes politiques ivoiriennes seraient alors redistribuées, une nouvelle fois, entre les trois hommes.