Homme de l’ombre et de dossiers, l’actuel Premier ministre, très proche du président sortant, a été désigné candidat du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix pour la présidentielle d’octobre.
«AGC ! AGC !» Six heures après le début de ce qui était annoncé comme une simple réunion du conseil politique du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), c’est debout, dans une ambiance de meeting, que plusieurs centaines de partisans du parti présidentiel ivoirien ont acclamé leur désormais candidat à l’élection présidentielle du 31 octobre: «AGC» pour Amadou Gon Coulibaly. L’actuel Premier ministre de 61 ans, très proche du président Alassane Ouattara, a été désigné par acclamation, sans vote, dans la nuit de jeudi à vendredi.
«Il a été de tous les combats avec moi, il est plus qu’un collaborateur, plus qu’un frère, c’est un fils», a confié le chef de l’Etat à la tribune, une semaine après avoir annoncé sa décision de ne pas briguer de troisième mandat, décision largement saluée dans le pays et à l’étranger. Alassane Ouattara, 78 ans, entretenait jusque-là le suspense sur son avenir politique après avoir été élu en 2010 puis réélu en 2015.
Jeudi, il est revenu sur les raisons de son choix, s’estimant trop âgé pour rempiler et heureux de se consacrer prochainement pleinement à sa vie personnelle. Son annonce avait surpris tout le monde, jusque parmi ses collaborateurs. Plus surprenant encore, il a révélé avoir pris sa décision dès 2017 mais tenu à garder le silence le temps de s’assurer de la «paix» et la «sécurité» dans le pays alors en proie aux mutineries.
Croissance de 7%
Des ministres et des cadres du RHDP lui ont rendu des hommages appuyés lors de ce conseil politique avant, eux aussi, d’appeler à la désignation de Gon Coulibaly. «Je suis persuadé que le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly est le mieux placé pour assurer la relève», a ainsi asséné le populaire ministre de la Défense, Hamed Bakayoko, avant de saluer sa «loyauté sans faille» et sa «force de travail remarquable».
Le nom d’Amadou Gon Coulibaly revenait depuis plusieurs mois comme celui de probable dauphin du président. Issu d’une grande famille du nord, longtemps maire de la quatrième ville du pays, député, ministre, secrétaire général de la présidence à l’arrivée d’Ouattara au pouvoir, cet ingénieur de formation s’est forgé une réputation d’homme consciencieux, fin connaisseur des dossiers.
Longtemps dans l’ombre, moins populaire que son mentor, il a été choisi pour incarner le «programme social du gouvernement» d’un montant de 1 000 milliards de Fcfa (1,5 milliard d’euros), lancé début 2019. Omniprésent sur le terrain et subitement actif sur les réseaux sociaux, il lui incombe la lourde tâche de faire bénéficier aux Ivoiriens les plus modestes les fruits d’une croissance économique de plus de 7% par an depuis 2012. Ces dernières années, les institutions financières internationales bien connues du libéral Alassane Ouattara (il a été directeur général adjoint du FMI) exhortent la Côte-d’Ivoire à rendre cette croissance plus inclusive.
Evénement boudé
Amadou Gon Coulibay devra aussi convaincre jusque dans son camp où quelques voix dissonantes se font entendre. Le ministre de l’Enseignement supérieur, Albert Mabri Toikeusse, qui avait évoqué sa propre candidature, s’est démarqué lors de la cérémonie de jeudi. «Ne prenons pas des engagements d’une heure dans une salle, qui, par la suite, ne refléteront pas la réalité sur le terrain», a-t-il exhorté. Quant au ministre des Affaires étrangères, Marcel Amon-Tanoh, lui aussi candidat potentiel, il a tout bonnement boudé l’événement.
Nouvelle génération
Le calendrier politique s’emballe donc en Côte-d’Ivoire à quelques mois de l’échéance électorale et c’est bien Alassane Ouattara qui entend dicter le tempo. Car ces annonces successives ont pris de court les partis d’opposition qui s’étaient jusqu’alors trouvés pour dénominateur commun un mot d’ordre : «Tout sauf Ouattara.»
Le chef de l’Etat n’a pas manqué d’adresser un message aux deux anciens présidents du pays, Henri Konan Bédié, 85 ans, chef du principal mouvement d’opposition, le Parti démocratique de Côte-d’Ivoire (PDCI), et Laurent Gbabgo, 74 ans, actuellement en liberté conditionnelle en Belgique, dans l’attente de l’examen de l’appel de son procès devant la Cour pénale internationale après son acquittement en première instance.
«J’espère que j’aurais montré l’exemple aux autres. En tout cas les Ivoiriens les regardent. Je considère qu’une nouvelle génération peut faire mieux que nous», a affirmé le chef de l’Etat dans son discours. Bédié et Gbagbo entretiennent toujours le flou sur leurs éventuelles candidatures, ce qui nourrit l’inquiétude des Ivoiriens qui ne souhaitent pas revivre la crise post-électorale de 2010-2011 qui impliquait ces trois mêmes protagonistes. Seul candidat de l’opposition déclaré pour le moment, Guillaume Soro, 47 ans. L’ex-chef de la rébellion pro-Ouattara et ancien président de l’Assemblée vit actuellement en France. Accusé de complot, il est sous le coup d’un mandat d’arrêt en Côte-d’Ivoire.