Plusieurs figures de l’opposition, Laurent Gbagbo et Guillaume Soro en tête, ont vu leurs candidatures à la présidentielle rejetées par le Conseil constitutionnel. Elles pourraient désormais faire front commun face à Alassane Ouattara.
Le couperet est tombé un peu plus tôt que prévu. Et il n’a pas épargné grand monde. Sur les 44 candidats déclarés à la présidentielle, seuls quatre ont été retenus, lundi 14 septembre, par le Conseil constitutionnel : Alassane Ouattara, Henri Konan Bédié, Pascal Affi N’Guessan et Kouadio Konan Bertin.
Parmi les 40 recalés, des figures de l’opposition et d’anciens alliés du président sortant. Laurent Gbagbo et Guillaume Soro, mais aussi Marcel Amon-Tanoh, Albert Mabri Toikeusse ou encore Mamadou Koulibaly. La plupart ont immédiatement dénoncé leur mise à l’écart et pointé une décision politique. Certains, comme Soro et Koulibaly, sont allés jusqu’à dénoncer un coup d’État constitutionnel.
Maintenant que la messe a été dite (juridiquement, plus aucun recours n’est possible), quelle stratégie vont-ils adopter ? Aucun n’entend en rester là. « J’annonce que nous engagerons une étape nouvelle de notre combat pour la démocratie dans notre pays. Elle sera âpre mais nous la gagnerons sans aucun doute », a réagi Guillaume Soro dans un communiqué. « La lutte continue pour sauver la Côte d’Ivoire », a martelé Albert Mabri Toikeusse.
Bientôt un accord politique ?
Tous sont d’accord sur un point : un éventuel troisième mandat d’Alassane Ouattara serait illégal, illégitime et violerait la Constitution. Derrière ce leitmotiv légaliste, les tractations vont bon train. Objectif : dépasser les vieilles rancoeurs et les ambitions personnelles pour tenter de former un bloc d’opposition homogène face au président sortant. Un front « Tous contre Ouattara » qui, s’il se mettait en place, pourrait contrarier sa réélection.
« NOUS SOMMES EN PHASE », AFFIRME-T-ON DANS L’ENTOURAGE DE GUILLAUME SORO
Parmi ces opposants au président sortant, trois font figures de poids lourds : Henri Konan Bédié, le leader du Parti démocratique de Côte d’Ivoire-Rassemblement démocratique africain (PDCI-RDA), Laurent Gbagbo, celui du Front populaire ivoirien (FPI), et Guillaume Soro, celui de Générations et peuples solidaires (GPS). Voilà plusieurs mois que les trois hommes ont établi le contact pour réfléchir à des alliances.
Depuis début septembre, ils ont intensifié leurs échanges sur la stratégie à suivre face à Ouattara. Selon l’un des ses proches, lundi 14 au soir, après la décision du Conseil constitutionnel, l’ex-président de l’Assemblée nationale s’est entretenu au téléphone avec les deux anciens chefs d’État. « Nous sommes en phase », affirme-t-on dans l’entourage de Guillaume Soro, ajoutant – sans donner plus de précisions – qu’un « accord politique global » est en gestation.
L’offensive de Soro et le silence de Gbagbo
Multipliant les concertations depuis la décision du Conseil constitutionnel, Soro dévoilera la suite de sa stratégie le 17 septembre, lors d’une conférence de presse, à Paris. Conforté par une nouvelle décision favorable de la Cour africaine des droits de l’homme (CADH), qui a estimé le 15 septembre que ses droits civils et politiques devaient lui être restitués, nul doute que sa posture sera offensive.
Toujours à Bruxelles en attendant la fin de sa procédure devant la Cour pénale internationale (CPI), Laurent Gbagbo reste, lui, totalement muet. Tout en jouant la carte de sa propre candidature, dont il savait qu’elle serait très probablement invalidée, il a aussi fait avancer les tractations entre son parti et le PDCI-RDA au nom de la réconciliation.
L’ancien président a beau être pour l’instant contraint de rester loin du pays, tous – de Ouattara à Bédié – savent qu’il reste un acteur politique incontournable qui mobilise les foules. C’est pour cela que le chef du PDCI tente, depuis des mois, d’obtenir son soutien.
Le dilemme de Bédié
Seul au sein de ce trio à avoir vu sa candidature validée par le Conseil constitutionnel, le « Sphinx de Daoukro » s’est d’abord dit en « ordre de marche pour la reconquête du pouvoir d’État et la construction d’une Côte d’Ivoire réconciliée, unie et prospère », avant de dénoncer une nouvelle fois la « candidature inconstitutionnelle » d’Alassane Ouattara et de déplorer l’ »exclusion arbitraire et antidémocratique » des autres opposants, à commencer par Laurent Gbagbo et Guillaume Soro.
Une position ambivalente qui illustre le dilemme auquel fait face Bédié. À 86 ans, il rêve de revenir au pouvoir plus de vingt ans après en avoir été chassé par un coup d’État. Soit il prend part à l’élection en tentant de rallier un maximum d’opposants autour de lui, ce qui revient à légitimer la candidature d’Alassane Ouattara à un troisième mandat, soit il décide de ne pas y participer, pour protester contre cette candidature, mais ruine du même coup toutes ses chances de revenir un jour à la magistrature suprême.
LE « SPHINX DE DAOUKRO » ENVISAGE-T-IL UN BOYCOTT DE LA PRÉSIDENTIELLE ?
« Nous sommes un peu dans un cul-de-sac, souffle un cadre du parti. Mais comme nous l’avons toujours dit, la candidature de Ouattara est illégale. Or le PDCI-RDA n’a jamais cautionné l’illégalité. »
Est-ce une manière d’évoquer un possible boycott de la présidentielle ? Rien n’a encore été arrêté dans l’état-major de Bédié. Mais l’hypothèse a paru prendre un peu plus de corps depuis que le parti a annoncé, le 14 septembre, qu’il refusait de participer aux élections des bureaux des commissions électorales locales.