Le procès de la CPI contre le président Laurent Gbagbo et son ministre Charles Blé Goudé accusés de crime contre l’humanité pourrait connaitre son verdict dans les 20 prochains mois, peut être même un peu avant. La dernière étape avant le plaidoyer des différentes parties et la délibération des juges, sera caractérisée dès la reprise du procès dans 48 heures par le passage des témoins des deux différentes équipes de défense. Mais avant, dès l’entame de la reprise du procès le mercredi 17 janvier 2018, il reviendra à l’accusation de présenter son tout dernier témoin.
Véritable Joker sur lequel compte énormément Fatou Bensouda pour peaufiner les derniers éléments d’un plan commun qui selon elle vaut cette poursuite judiciaire, ce dernier témoin est le Pr Hélène Yapo-Etté . Première femme agrégée en médecine légale en Côte d’Ivoire de même qu’en Afrique centrale et occidentale, Pr Etté est Maître de conférence de médecine légale à l’UFR des sciences médicales à l’Université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan-Cocody .
Seule dame des six médecins légistes dont dispose la Côte d’Ivoire, il lui était revenu pendant la crise post-électorale de 2010 et 2011 de travailler avec son équipe sur les corps des victimes de tueries qu’à connu la Côte d’Ivoire à cette période. C’est d’ailleurs pour ce fait qu’elle sera dans le prétoire de la CPI afin d’éclairer (le jury présidé par le juge Cuno Tarfusser) sur ce qu’elle sait des morts.
Déjà au procès de Simone Ehivet Gbagbo en Côte d’Ivoire où elle avait témoigné début novembre 2016 à la demande de la défense de l’ex première dame alors poursuivie pour faits de crimes contre l’humanité (dont elle fut acquittée), le Pr Hélène Yapo Etté avait fait savoir que son rôle dans cette crise a entre autres été « de décrire les cadavres, prélever des échantillons, prélever tout corps étranger, déterminer la cause des décès« . Elle y avait été appelée à expliquer le rapport qu’elle a produit lors des événements de la crise post-électorale. C’est vraisemblablement à cet même exercice qu’elle sera invitée à la CPI.
A propos, elle avait indiqué aux juges d’Abidjan avoir examiné le 21 avril 2012, 789 corps dont elle a dit ne pas être à mesure de certifier la date des décès qui toute fois, a-t-elle souligné, se situe entre le 27 janvier et le 11 février 2011 et entre le 29 avril et le 22 août 2011. Des périodes en dehors des dates des faits pour lesquels Gbagbo et Blé sont poursuivis.
« Non nous n’avons pas pu certifier les corps, parce que nous n’étions pas sur les lieux. Nous n’étions pas à mesure de dater les corps (…) Les corps examinés sont des morts violentes et pour l’ensemble des cas par arme à feu. Le maximum des corps examiné était ramassé dans les rues et certains dans les cours (…) Les constatations n’ont pas pu déterminer l’origine des morts (…) Sur les corps examinés 373 ont été tués par arme à feu dont 173 civiles, 41 FDS, 46 FRCI, 3 vigiles 110 non précisés (…) Les ethnies concernées étaient Adjoukrou 5 corps, Agni 7 corps, Ahizi 1 corps, Baoulé 26 corps, Bété 29 corps, Malinké 114 corps, Tagbana 7 corps, Yacouba 4 corps, Sénoufo 38 corps etc » avait-elle, entre autres réponses (aux questions des avocats et du juge) , révélé de ce qu’elle sait.
Selon la pertinence du témoignage attendu par l’accusation le 17 janvier 2018, le passage du Pr Etté pourrait durer juste la matinée ou la seule journée du mercredi tout au plus .
Les défenses des accusés seront aussitôt invitées à présenter leurs témoins à décharge. Et ce sera l’équipe de défense du président Laurent Gbagbo qui en premier invitera ses témoins dans le prétoire. Pour ce début, ce sont trois témoins décidés à innocenter Laurent Gbagbo qui sont attendus.
Selon le calendrier établi par la Cour, le passage de l’ensemble des témoins à décharge est prévu durer 18 mois. Mais comme l’avait confié Me Zokou Seri en avril 2017 lors d’une conférence publique à Paris sur la vacuité des accusations contre Laurent Gbagbo et Blé Goudé, « vue l’allure des choses, la défense de Charles Blé Goudé pourrait réduire le nombre de ses témoins à décharge, voir même ne pas en présenter. »
Blaise BONSIE