Dans la course à la présidence de la FIF, le dossier de l’ancien attaquant de l’Olympique de Marseille divise, malgré une popularité et un intense lobbying au plus haut sommet de l’État. Coulisses d’un match mal engagé.
Le 10 août, Didier Drogba a bien cru avoir marqué un point décisif dans la bataille qu’il livre depuis de longs mois pour conquérir la présidence de la Fédération ivoirienne de football (FIF). Son dossier de candidature venait d’être validé par la commission électorale de la FIF.
Pourtant, l’ancien attaquant de l’Olympique de Marseille et des Éléphants de Côte d’ivoire a déchanté. Si la commission a d’abord validé quatre candidatures, dont la sienne, dans un souci de « paix sociale », elle n’en a pas moins outrepassé le règlement et les textes de la Fédération.
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— FIFCI (@FIFCI_tweet) August 2, 2020
Parrainages sous tension
Didier Drogba ne dispose en effet pas d’un élément indispensable : le parrainage officiel d’au moins un des cinq « groupements d’intérêts » affiliés à la FIF. Selon nos informations, les tensions sont vives à l’intérieur de ceux-ci, notamment au sein de l’Association des footballeurs ivoiriens (AFI) ou de l’Amicale des arbitres.
L’AFI, dirigée par le président Cyrille Depri Domoraud, a offert son soutien à un adversaire de Didier Drogba, Idriss Diallo, lequel a également obtenu le parrainage de l’Amicale des entraîneurs.
Les trois autres collèges (arbitres, anciens footballeurs et médecins) ont quant à eux choisi Sory Diabaté, vice-président de la FIF et candidat du bureau sortant.
Cependant, des branches dissidentes, non reconnues par la FIF, ont semé le doute. À l’AFI, sous l’impulsion du gardien de but Stéphane Dimy, mais aussi au sein de l’Amicale des arbitres, elles ont ainsi accordé un « parrainage » alternatif (et donc sans valeur) à Didier Drogba.
Lobbying auprès des Ouattara…
Alors que le dernier des candidats, Paul Kouadio Koffi, n’a lui reçu aucun appui, l’ancien attaquant ivoirien ne manque pourtant pas de soutiens potentiels en coulisses. Il dispose de celui, officieux du ministre des Sports, Claude Paulin Danho, lequel a été accusé d’avoir interféré dans le processus en suggérant aux membres de la commission électorale de valider sa candidature. L’intéressé a démenti.
Surtout, Drogba a rencontré fin 2019 le président Alassane Ouattara lui-même et devait s’entretenir avec son Premier ministre Amadou Gon Coulibaly le 8 juillet dernier – jour de son décès – dans l’après-midi.
L’ex-international ivoirien a aussi joué de son entregent au sein du pouvoir en tentant de rallier à sa cause Dominique Ouattara en octobre 2019. La fondation de Didier Drogba travaille souvent avec celle de la Première dame, Children Of Africa. Prudente, cette dernière a opté pour la neutralité.
… et de Hamed Bakayoko
Selon nos sources, Hamed Bakayoko, le Premier ministre, a quant à lui conseillé à Drogba de se rapprocher d’Idriss Diallo. L’ancien ministre de la Défense, ami du footballeur, a ainsi plaidé en faveur d’une fusion de leurs deux listes, dans l’optique de battre Sory Diabaté.
Idriss Diallo est un intime de Hamed Bakayoko et a longtemps été associé en affaires avec Didier Drogba. Cependant, les deux hommes sont aujourd’hui en froid et aucun accord n’a donc été trouvé, Drogba refusant de s’effacer au sein d’une liste commune. Le dossier de l’ancien joueur de Chelsea est donc toujours en suspens.
Un report après la présidentielle ?
Aucune issue ne devrait être trouvée avant plusieurs semaines. La FIF espérait organiser l’élection aux alentours du 5 septembre. Mais le président sortant Sidy Diallo, s’appuyant sur les textes de l’organisation, a décidé de suspendre la commission électorale, dont les désormais anciens membres ont récemment été la cible d’accusations de corruption.
LA FIF CRAINT, EN CAS DE REPORT DE L’ÉLECTION, DE S’EXPOSER À UNE SANCTION DE LA FIFA
Sidy Diallo a convoqué une assemblée générale de la FIF le 29 août à Abidjan pour mettre en place de nouvelles instances électorales. Mais l’affaire pourrait prendre plus de temps que prévu : selon nos informations, le ministre des Sports milite en coulisses pour un report du scrutin de plusieurs mois, après l’élection présidentielle du 31 octobre.
La décision ne serait sans doute pas sans conséquences. La Fifa et la Confédération africaine de football sanctionnent en effet toute ingérence du monde politique dans les dossiers sportifs de ses membres. Selon des indiscrétions, la FIF craint, en cas de report de l’élection de son président, de s’exposer à une sanction. L’objectif de l’instance dirigeante du football ivoirien est donc à l’heure actuelle de tenir son scrutin avant la présidentielle.